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{26.11.03}

 
nouvelles du front

Hervé Duray, animateur de la Page Libérale et guillautomate de combat, a commencé un blog spécialement pour remettre votre serviteur à sa place. Lui ayant fait une ou deux remarques ironiques mais pas spécialement méchantes, notamment afin de le remercier de son aimable attention, il a tellement enragé qu'il a viré post et commentaires.

Pour faire bonne mesure, mon blog a également disparu de la liste des liens de la Page Libérale. Vive la diversité d'opinions, pourvu que nous soyons tous d'accord !

Décidément, il ne fait pas bon s'attaquer à Nanabozo le Grand Lapin.

La suite prochainement, j'imagine. Si les ténèbres ne m'ont pas englouti !
posted by melodius 26.11.03



{24.11.03}

 
guillaumat le conquérant

Un spectre hante Internet : le guillaumatisme. Directeur de la collection « Laissez-Faire », l’économiste François Guillaumat, qui avait acquis quelque réputation en traduisant notamment le vieux Murray et - dernièrement – Hans-Hermann Hoppe, fut longtemps l’une des figures de proue de l’anarcho-capitalisme en France. Nous publions ici les auteurs pour qui la violence agressive est toujours condamnable et la responsabilité toujours préférable, comme ceux qui pensent que ni le Droit ni la logique ne doivent être à éclipses, voilà le beau et juste programme affiché par FG en qualité de directeur de collection. On peut, hélas, émettre quelques réserves sur sa capacité à l’appliquer dans les échanges contradictoires.

Désormais, il est en effet devenu l’un des animateurs les plus féroces de la cabale anti-libertarienne qui sévit sur la Toile. À l’occasion de la guerre en Irak, il s’est découvert néoconservateur, tout en continuant de se réclamer de l’anarcho-capitalisme. Un grand écart que même Noureev eût probablement été incapable de réaliser ! Chapeau l’artiste ! Pour moins que cela, Ayn Rand - paix à son âme anti-mystique -, eût parlé de « vol de concepts ». Quoique... ses disciples n’y vont pas par quatre chemins pour justifier l’implantation de la démocratie antilibérale à Bagdad...

Guillaumat suivrait-il en fait les traces de Miss Rand ? En tout cas, son libertarianisme semble aussi entaché d’illogisme. Dans un article de 1966 intitulé The Roots of War (repris in Capitalism : the Unknown Ideal), Ayn Rand stigmatise avec force l’étatisme comme origine du bellicisme. Pour elle, le wilsonisme et ses séquelles démontrent en effet que l’étatisme est également une erreur en politique étrangère. Et pourtant, dans The Virtue of Selfishness, elle ne craint pas de se contredire en expliquant que l’interventionnisme militaire se justifie quand il est au service d’une société « libre » cherchant à renverser un gouvernement tyrannique. Cet argument est celui dont se servent aujourd’hui ses élèves pour cautionner la politique extérieure de l’État providence que restent les USA - lequel leur apparaît comme une ressource... providentielle pour combattre l’esclavagisme !

Melodius, mon hôte, a déjà ferraillé à maintes reprises avec celui qu’il surnomme affectueusement « Nanabozo le Grand Lapin ». Leur dernier échange montre toute l’étendue des ressources intellectuelles du sieur Guillaumat. « On » est un con est un aphorisme qui restera certainement dans les anthologies de la pensée politique, sinon dans celles du libertarianisme ( ?) français. Peut-être même que tel bloggueur objectiviste entreprendra de s’en servir comme d’une sainte parole - qu’il voudrait en tout point égale aux apophtegmes les plus sacrés que l’on répète au sein de l’église des ascètes randiens ! Hélas, du point de vue de la logique aristotélicienne, je ne saisis pas très bien comment un sujet aussi vague - sinon inexistant - que On pourrait penser (ce que suppose quand même le fait d’être un con). Voilà que le conquérant de la blogosphère, armé de sa grammaire logique, a raté une occasion de rester poli. Tout au plus a-t-il gagné les galons d’humoriste métaphysique, quelque part entre Raymond Devos et Heidegger. Ce serait bien la première fois qu’un peu d’humour souffle sur les plaines arides des listes de discussions « libertariennes » françaises (où l’on est très pointilleux sur le sens du moindre mot) !

D’où vient la hargne récente de François Guillaumat contre les autres anarcho-capitalistes ? Apparemment, de sa découverte tout aussi récente que Rothbard avait résolument combattu l’interventionnisme militaire de son pays. Quel scoop ! Il n’est jamais trop tard pour apprendre : le traducteur de The Ethics of Liberty a enfin compris le message anarcho-capitaliste, à savoir que l’Etat n’a pas plus vocation à produire et vendre des escalopes sur une belle salade qu’à se lancer dans la course aux armements. Jusqu'à ces derniers mois, Guillaumat aurait-il pris Rothbard pour un clone de Barry Goldwater ? C’est peu probable, mais il semble que cet amoureux déclaré du raisonnement imparable et non-contradictoire ait ses failles. La moindre n’étant pas son culot stalinien à traiter de complices objectifs du terrorisme - oui, rien que ça ! - les adversaires libertariens de la politique des néo-cons. Lui qui aime d’ordinaire débusquer les impostures trotskistes, il devrait y regarder à deux fois. Mais, après tout, quand on se décide à soutenir le Menhir de St-Cloud (le Président comme il l’appelle avec une tendresse émue), pourtant au moins autant ami de Saddam Hussein qu’un Chevènement ou un Chirac, on ne se soucie plus trop de savoir si la cohérence revêt quelque signification. Ah oui, j’oubliais, « on » est un...

Pour terminer, voici une dernière preuve de ce que l’anar-néocon frontiste peut plonger dans la plus abyssale incohérence sans bouée de sauvetage. Décrivant la collectivisation de la santé, FG parle d’ un paradis construit sur le vol, dont la morale pourrait se résumer à J’m’en fous, c’est pas mon fric. Raisonnement correct (encore que le terme de « paradis » pour désigner l’enfer du communisme de la santé étatisée... mais bon, ne chicanons pas). Nous aurions donc dû nous attendre à ce qu’il décrive et critique, avec autant de véracité et de pugnacité, le plan d’intervention américain ? Hé bien non ! Figurez-vous qu’en ce cas, il a parlé de combat pour la liberté.

Je ne doute pas que les fans et autres groupies déchaînés du grand penseur se manifesteront à la lecture de ma prose iconoclaste, comme ils le font ordinairement dès que l’on ose le contredire. Les mânes d’Ayn Rand veillent sans doute sur la destinée de FG. En témoigne le culte qui lui est voué comme à l’auteur d’ Atlas Shrugged, de sorte que le gourou - comme Miss Rand naguère - se permet d’accuser ceux qui se trouvent en désaccord avec lui d’avoir rallié les rangs de l’anti-raison !

Mais peu me chaut : c’est à eux de prouver que leurs réflexions correspondent bel et bien au libertarianisme, pas aux anarcho-capitalistes conséquents. Un spectre hante Internet : celle du guillautomatisme...

Omer Vidolis
posted by melodius 24.11.03



{21.11.03}

 
la cinquième colonne

J’avais déjà expliqué sur ce blog par quel mécanisme les néo-conservateurs ont infiltré et dénaturé le mouvement conservateur américain à la faveur de la guerre froide. La soi-disant « guerre contre le terrorisme » va-t-elle leur permettre de réaliser le même coup en Europe, au détriment du libéralisme et du minuscule mouvement libertarien ? L’offensive a en tout cas commencé. Une production typique des adorateurs du messianisme belliciste à l’américaine vient de paraître sur le site de l’Institut Hayek sous la plume de Drieu Godefridi, personnage qui s’est régulièrement signalé à l’attention du public ces derniers mois par des articles soutenant la guerre en Irak.

L’article, intitulé Critique de l’Utopie Libertarienne, se distingue, comme le relève Hans-Hermann Hoppe (à qui Godefridi a eu l’inconscience d’adresser son opus maximus) par une totale ignorance des idées que son auteur entreprend d’attaquer. Il n’en reste pas moins intéressant, tant parce qu’il démontre l’anti-libéralisme foncier de Godefridi et de ses amis que parce qu’il révèle leurs objectifs réels.

Godefridi commence son exposé par quelques paragraphes lourdement didactiques dont on retiendra principalement que les minarchistes, loin d’être les libertariens qu’ils croyaient être, seraient finalement des libéraux « classiques ». Les esprits curieux que nous sommes auraient aimé savoir comment Godefridi parvient à cette conclusion qui tranche avec l’opinion de la plupart des intéressés. Hélas, l’article n’en dit pas plus ! Gageons que le raisonnement godefridien se révèlera dans toute sa puissance aux masses incultes dans le prochain article que l’Institut Hayek publiera pour leur édification.

Son but politique par contre, est plus évident : isoler les anarcho-capitalistes honnis et les livrer à l’exécration du peuple. Godefridi avait déjà livré le fond de sa pensée au sujet du libertarianisme dans un e-mail mystérieusement arrivé en ma possession : il s’agirait de branlettes de tapettes. Les tapettes ont en effet mauvaise presse chez Godefridi et ses camarades, surtout quand elles sont libertariennes. Quant à savoir ce qu'il convient de penser des branlettes, aux dernières nouvelles, Godefridi se tâte encore.

Mais revenons-en à l’article. Godefridi reproche aux libertariens cinq carences majeures, et, du moins on peut le supposer, rédhibitoires, ce qui le dispense d’examiner ou même simplement d’évoquer les innombrables carences mineures du projet libertarien que laisse supposer sa formulation. Une fois de plus, ce qui n’est pas dit est plus significatif que ce qui l’est : nulle part dans le texte, il n’est question de l’opposition de principe du mainstream libertarien aux guerres étatiques.

La première carence relevée serait que les libertariens s’en remettraient au pouvoir créateur de la « main invisible » d’Adam Smith pour créer les institutions qui devraient maintenir les droits fondamentaux.

Remarquons tout d’abord que Godefridi, « co-directeur » de l’Institut Hayek, nommé d’après un grand penseur libéral, semble incapable d’imaginer que puissent exister des institutions autres qu’étatiques. Mieux, il scie la branche sur laquelle il est assis, puisque la théorie de l’apparition spontanée du droit, et donc des institutions qui doivent le garantir, est au cœur de l’argumentation de Hayek, et n'a, à ma connaissance, été reprise par aucun théoricien anarcho-capitaliste de quelque importance.

Godefridi tourne ensuite son regard brouillé mais néanmoins inquisiteur vers une deuxième carence majeure du projet libertarien : l’absence de normativités libérales. (Je profite de l’occasion pour interroger mes lecteurs au sujet du sens du terme « normativité ». Il me semble qu'il s'agit d'un synonyme pédantico-philosophique du mot « norme », mais je n'oserais l'affirmer. L’explication la plus pertinente sera publiée ici-même.)

Godefridi balaie d’un revers de main les conceptions jus-naturalistes de Rothbard et plusieurs siècles de réflexion juridique occidentale en signalant que le droit naturel – pourtant fondamental à la pensée libérale – serait du « wishful thinking ». Pourquoi, une fois de plus, mystère et boule de gomme.

Il s’attaque ensuite à l’utilitarisme friedmanien, coupable d'après lui de pouvoir donner naissance à différents systèmes juridiques qui ne seraient pas tous libéraux. Une fois encore, et même si je reconnais volontiers qu’on vit très bien sans comprendre Hayek (il suffit de se rendre au Forum Social Européen pour s’en apercevoir) je voudrais inviter Godefridi à lire les œuvres de l’auteur qui a donné son nom à l’institut qu’il (co-)dirige. Hayek considère en effet que les systèmes juridiques, apparus spontanément, seraient soumis à la concurrence et à un mécanisme de sélection auquel ne survivraient finalement que les meilleurs. En d’autres termes, cette pluralité est indispensable à la pensée hayékienne, or c’est précisément elle que Godefridi reproche à Friedman. Godefridi marque donc à nouveau dans son propre but.

Godefridi embranche ensuite avec son troisième grief, pompeusement dénommé la praticabilité juridique de l’Utopie libertarienne. Gravement, il nous informe que lorsque différents ordres juridiques existent (ce qui a été le cas tout au long de l’histoire de l’humanité et ne risque pas de changer de sitôt) se posent des problèmes de conflits de loi et de juridiction.

Comment Godefridi compte-t-il éviter ce problème ? Il ne nous le dit pas. Peut-être est-ce par manque d’imagination, mais hors l’état mondial, fantasme des totalitaires de tout poil, je ne vois pas trop.

De plus, comme il le relève très pertinemment, il existe une branche du droit qui règle ce type de conflits et qui se nomme droit international privé. S’il est vrai qu’il s’agit d’une matière raisonnablement complexe, il faut tout de même signaler qu’on l’enseigne sans trop de mal à des étudiants en droit âgés de vingt ans et que son degré de difficulté reste largement inférieur à celui, par exemple, de la théorie générale de la relativité ou encore de la physique des quanta.

Godefridi, qui s’est plaint précédemment de la propension (supposée) des libertariens à inventer des fables, sert ensuite à ses lecteurs un aimable conte au sujet d’une personne piégée dans un enfer libertarien. Le malheureux ne peut acheter de pain et est donc, du moins on l’imagine, condamné à mourir d’inanition. Les ordres juridiques différents dont dépendent vendeur et acheteur rendraient impossible la vente salvatrice. Je voudrais tout d’abord inviter Godefridi à quitter la Belgique, ce qu'il ne semble pas avoir fait jusqu'à présent. S’il s’y décide, il pourra observer qu’un pain s’achète partout à peu près de la même manière, ordres juridiques différents ou non. Mais ne soyons pas de trop mauvais compte, quid lorsque acheteur et vendeur se trouvent chacun dans leur pays, qu’ils concluent un contrat et que les biens en question sont autrement plus complexes ou précieux qu’une simple baguette ? Ils m’est venu aux oreilles que les êtres humains commercent sans trop de difficultés depuis la nuit des temps, même au-delà des frontières, et que récemment, ces échanges commerciaux, également connus sous le nom de « commerce international » ou encore « mondialisation néo-libérale » ne se portaient pas trop mal, merci pour eux. Les nombreux petits ordres juridiques qui se voulaient radicalement indépendants et qui refusaient la moindre concession, fût-elle rationnelle et d’élémentaire bon sens, conséquences nécessaires de ce sytème et que redoute tant Godefridi, comme par exemple l’Albanie de Enver Hoxha, ne se sont pas par ailleurs signalés par une longévité trop importante.

Ne craignant décidément rien tant que la cohérence, Godefridi s’effraie ensuite de la résurgence probable d’un état dans une société libertarienne. En effet, des agences de sécurité risqueraient d’accaparer le pouvoir et de constituer un état. Peste ! Décidément, il y en a qui ne sont jamais contents. On commence par reprocher aux libertariens leur refus de l’état, prétendument garant de tout ce qui est juste et bon, pour ensuite râler de voir réapparaître une institution présentée quelques paragraphes auparavant comme indispensable à la civilisation. Caramba, encore raté !

Suit une synthèse brillante du « rule of law » selon Hayek, seul passage de tout le texte qui soit à peu près potable, puisque pompé chez l’illustre autrichien. Dans son e-mail de félicitations à Godefridi, Henri Lepage notait d’ailleurs malicieusement que c’était le morceau à conserver.

Après ces doctes digressions hayékiennes, et, selon l’expression consacrée, « sans transition », Godefridi accuse les libertariens de préférer les injonctions arbitraires d’un Souverain bien intentionné aux règles d’un Prince totalitaire. L’accusation est de taille ! Seul problème, je ne connais pas de libertariens qui défendent pareil point de vue, puisque nous désirons, précisément, nous débarrasser de princes et souverains.

Qu’importe, cela n’empêche pas Godefridi d’embrayer avec superbe sur l’impossibilité de l’anomie dans les sociétés humaines, point de vue auquel souscrivent les libertariens et qui sous-tend précisément l’idée de droit naturel, que Godefridi avait cavalièrement congédiée aux poubelles de l’histoire quelques pages auparavant.

En conclusion de son exposé théorique, Godefridi pointe une fois de plus la menace que représenterait l’incommensurable complexité des ordres juridiques que ne manquerait de créer une société libertarienne. Le reproche, qui vaut également pour Hayek, ne peut s’adresser qu’aux anarcho-capitalistes utilitaristes, largement minoritaires, mais soit. Cette complexité nuirait à la certitude nécessaire à la « rule of law ». Je rétorquerai brièvement à Godefridi que le marché ne se débrouille pas trop mal en termes de standardisation. Donc, malgré ma qualité d’anarcho-capitaliste jus-naturaliste qui ne croit pas trop à l’éventualité d’une production exclusivement commerciale du droit, cette éventualité ne m’effraie pas.

Finalement, dans une apothéose quasi wagnérienne, Godefridi conclut sur les leçons de l’histoire propres, on l’avouera, à éveiller les appétits intellectuels que cette longue mise en bouche avait failli à rassasier.

Malheureusement, les fameuses leçons tiennent en trois maigres paragraphes, dans lesquels Godefridi confond l’état de nature et le droit naturel, et prétend qui plus est découvrir cet état de nature en Afrique, continent traumatisé, Godefridi dixit, par l’absence d’états. Bizarrement, à la suite de beaucoup de bons esprits libéraux, je voyais plutôt dans l’Afrique un exemple de la faillite des états et des déprédations qu'ils occasionnent.

Mais précisément, Godefridi n’est pas libéral. Godefridi poursuit, plus ou moins consciemment, une utopie vieille comme le monde, l'empire, en l’occurrence américain. Il tente pour ce faire d’investir une tradition philosophique prestigieuse en marginalisant ses tenants authentiques, à commencer par ceux qui défendent le principe de non-agression, anti-impérialiste s'il en est, les libertariens. Il est temps de mettre le holà à ces pitoyables entreprises et de se distancer de ces charlatans.

PS du 24 novembre

La suite de l'échange entre Lepage et Godefridi est disponible ici.

J'ai par ailleurs oublié de relever le titre grandiose de la réponse (dans un anglais atroce) de Godefridi à HHH : "The Hayek Institute challenges Hans-Hermann Hoppe", rien que cela. Mondieumondieu. J'en ai encore les larmes aux yeux !
posted by melodius 21.11.03



{17.11.03}

 
kung-fu fa-cho

Zhang Yimou s’est fait connaître en Occident par des films humanistes comme « Epouses et Concubines » et « Les Lanternes Rouges ». Son dernier film, « Hero », une apologie du totalitarisme, est donc une très mauvaise surprise.

L’histoire se déroule à la fin de l’époque dite des « royaumes combattants » (vers 220 avant Jésus-Christ). Il s’ouvre sur la réception du héros du titre, un obscur fonctionnaire appelé « Sans Nom » (Jet Li) par le roi de Qin, tyran belliqueux fort occupé à réaliser l’unité de la Chine à son profit, notamment en menant une guerre sans merci au royaume de Zhao. Zhang Yimou ne laisse planer aucun doute sur les méthodes dont use le roi, puisque l’on voit un peu plus tard son armée assiéger et exterminer une ville peuplée de paisibles calligraphes.

Si le roi reçoit Sans Nom, c'est parce qu'il veut le récompenser d'avoir tué trois guerriers de Zhao qui projetaient son assassinat, Lame Brisée (Tony Cheung), Flocon de Neige (Maggie Leung) et Ciel étoilé (Donie Yen).

La conversation entre Sans Nom et le roi est rendue par une narration en flashbacks à la « Rashomon » et il apparait finalement que Sans Nom est en réalité un orphelin de guerre de Zhao qui est de mèche avec les tyrannicides. Toute la mise en scène avait pour seul but de lui permettre de s’approcher suffisamment du roi pour l’expédier ad patres. Les scènes de bataille et l’usage de la couleur révèlent que l’influence de Kurosawa ne se borne pas à la structure narrative du film, et c’est regrettable. Ce qui était sublime entre les mains du maître japonais prend des tournures barnumesques chez le Chinois. La palette, et notamment la couleur des costumes des personnages, change à chaque flashback (successivement rouge, verte et blanche). Seuls Sans Nom et le roi restent tous deux en noir tout au long du film. Mon Dieu comme tout cela est profond ! Et non, je n’expliquerai pas ce que signifie cette symbolique ripolinée vaguement taoïste appuyée par une esthétique lourdingue.

Arrivé à ce point, l’un ou l’autre lecteur doit se demander pourquoi je n’ai pas encore mentionné la sublimissime Zhang Ziyi (révélée dans « Tigre et Dragon »), pourtant présente à l’affiche. C’est que son rôle se borne à celui d’une aimable cruche, disciple de Tony Cheung et follement amoureuse de lui. Pas de chance, le cuistre passe une bonne partie du film à se mourir d’amour pour Maggie Leung (on meurt beaucoup dans ce film). Zhang Ziyi n’est d’ailleurs pas la seule à être totalement ridiculisée, puisque Zhang Yimou parvient même à faire de Tony Leung un personnage gnangnan et tête à claques. Vous avez bien lu, j’ai eu envie de flanquer des baffes à Tony Leung tout au long de la projection, lui qui est si fin pourtant dans « Chunking Express » et « In the Mood for Love » ! Maggie Leung, la troublante Maggie Leung de « In the Mood for Love », est insipide comme une bière Tsing Tao, bref, le casting est un désastre dont il n’y a somme toute que Jet Li qui se sorte à peu près sans anicroches.

Quant aux combats, n’est pas Tsui Hark ou même Ang Lee qui veut. ‘Nuff said.

Mais le pire du pire, c’est donc le « message » du film, révélé aux masses admiratives durant le dernier flashback (celui qui est tout en blanc, ouah, le symbole !) Sans Nom renonce en effet au tyrannicide - et se fait exécuter pour sa peine - convaincu qu’il a été par Lame Brisée que seul le roi de Qin peut unifier la Chine « sous un ciel » et amener la paix. Le vilain tyran est d’ailleurs en fait un chouette type, puisqu’il confirme, quasi la larme à l’œil, qu’il a enfin été compris (snif !) et qu’il massacre à qui mieux mieux pour que les pauvres gens puissent enfin vivre tranquilles sous sa férule bienveillante. Il semble même regretter l’exécution (pour l’exemple, seulement pour l'exemple) de Sans Nom, c’est dire qu’il n’est pas un mauvais cheval ! Seule Flocon de Neige sauve un tantinet l’honneur, puisqu’elle tue Lame Brisée en digne récompense de sa trahison. Malheureusement, elle se suicide ensuite sur son corps plutôt que de le jeter en pâture aux chiens (il semblerait qu’elle l’aimait, et merde !)

Tout cela se termine par la réjouissante communication que le roi de Qin a donc finalement conquis tout le pays et bouté le Mongol hors de Chine en construisant la Grande Muraille, ce qui en fait le premier des empereurs.

Nul doute que ce chef-d’œuvre néo-confucéen a du bien plaire au Politburo pékinois et que Zhang Yimou, ayant viré sa cuti contestataire, pourra désormais travailler en paix dans la mère patrie. Personnellement, si je reconnais une grande qualité à ce film, c’est d’avoir fait la démonstration que le politiquement correct n’est pas encore tout à fait passé dans les moeurs, puisqu’il est possible de voir en 2003 à Bruxelles un film profondément et authentiquement fasciste célébrant, dans le désordre, le pouvoir absolu du chef, la guerre comme moteur de la civilisation et les héros tragiques qui se sacrifient à ce noble idéal, sans que personne n’y trouve à redire. Il y a même des pubs pour « Hero » sur les trams, faut-il que nous vivions une époque tolérante ! A moins, bien entendu, que le bon peuple soit devenu trop con pour comprendre. Peut-être une des répliques de l’empereur aurait-elle du être « quand j’entends le mot calligraphie, je dégaine mon sabre » pour que quelqu’un capte le message. Tiens, un lecteur pourrait-il me faire parvenir des critiques contemporaines de « Triumph des Willens ? »


PS : je signale déjà aux grincheux qui ne manqueront de se manifester que je ne plaide évidemment pas pour la censure.
posted by melodius 17.11.03



{5.11.03}

 
gadsden flag industriel

Chipé chez l'ami eskoh


posted by melodius 5.11.03


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