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20.1.04
le marché n’est pas démocratie
(suite de « l’angélisme démocratique »)
Une idée communément admise dans les cénacles libéraux énonce que l’institution la plus démocratique est le marché. Ce propos fut d’ailleurs brillamment exprimé ces dernières années par Alain Peyrefitte dans sa célèbre thèse La Société de confiance. Toutefois, pour défendre le marché libre, il me semble que le recours à cet argument peut prêter à confusion. Il suppose en effet que la démocratie est en soi positive - concession fâcheuse accordée aux étatistes. Par conséquent, il risque de saper une compréhension claire du capitalisme en le politisant.
L’un des grandes lubies contemporaines réside dans la défense forcenée du « patrimoine collectif », alias « propriété démocratique ». L’astuce consiste, ici, à feindre de ne pas rejeter la propriété, pour en fait mieux la violer. Cela va de la démocratisation de l’eau à celle des transports en passant par la culture des navets (cinématographiques inclus, cf. Wallimage). En effet, il apparaît d'emblée illusoire de supposer que cent, dix mille, un million, ou des milliards d'hommes puissent posséder des droits indistincts sur un même bien. Quelques uns seulement sauront en tirer un avantage, en raison de leur talent propre. D'où l'importance de la divisibilité de la propriété. C'est une des énormes différences avec l'action politique. Quel que soit le candidat pour lequel vous avez voté, votre voix est inéchangeable. Supposons que le gouvernement bénéficie de vos faveurs et que vous approuviez ses choix. Vous n'en resterez pas moins pieds et poings liés, au même titre qu'un électeur de l'opposition, car la « Majorité » est décrite par le personnel politique comme un tout insécable, tel le bloc auquel Clemenceau comparait la Révolution française. Si le gouvernement trahit les promesses qu'il vous a faites (mettons la suppression de l’impôt sur les successions), vous aurez beau protester et descendre dans la rue, la majorité parlementaire confondue avec celle des électeurs lui ayant accordé leur confiance assourdira vos cris.
Passons au marché libre: une majorité de consommateurs ou d'actionnaires peuvent évidemment commettre des erreurs d'appréciation. Mais 1°) ça les regarde et 2°) vous n'êtes pas lié par leurs choix, et donc leurs éventuels impairs. La flexibilité des titres de propriété que vous possédez vous permet de vous retirer aisément de ce jeu que vous désapprouvez. Il vous est en effet loisible de vendre vos actions, éventuellement pour en acheter d'autres plus intéressantes, ou de ne pas acheter tel produit, et donc aussi de vous tourner vers les concurrents (voire d'en devenir un vous-même, si vous vous en estimez capable).
En bref: tandis que, dans la situation politique, nous nous trouvons face à un marché clos, rigide et peu évolutif, c’est tout le contraire dans le marché libre. La propriété y est mobile (vous pouvez l’acheter et la transférer librement), sans oublier que votre titre de propriété constitue une réserve d'informations beaucoup plus rapides et sûres que celles que vous communiquent une administration. On objectera peut-être que, dans la situation politique, l'électeur n'est - en définitive - pas complètement captif puisqu'il peut aussi retirer sa confiance à ceux qui étaient censés défendre ses options (sans mauvais jeu de mots). Il s'agit cependant d'un faux parallélisme. D'abord, un bulletin de vote n'appartient à personne et disparaît une fois l'élection finie. Vous êtes le seul, en principe, à savoir pour qui vous avez voté et, au contraire du membre d'un conseil d'administration, votre représentant ignore généralement le nom de ceux à qui il doit son siège. Puis, vous aurez beau vous retirer du jeu majoritaire, cela ne portera pas d'effet immédiat, car les périodes électorales ne dépendent pas de votre bon vouloir, au contraire des échanges boursiers qui remettent constamment en question les choix formés hier. Si la politique fixe arbitrairement des échéances pour savoir qui volera qui, le Droit de propriété vous autorise non seulement à décider si vous réitérerez ou non vos investissements actuels - et il ne vous autorise pas à confisquer les parts de quelqu’un d’autre. Les transformations récurrentes du marché ne s’ordonnent que dans la mesure où existe la propriété. Celle-ci faisant défaut aux affaires politiques, il est logique que la démocratie instaure les conditions du chaos: voracité des hommes de l’État, politisation croissante, contrôle renforcé des choix individuels.
Ne reculons pas devant une constatation qui déplaira à certains: oui, la propriété privée discrimine (tout le monde ne peut pas tout détenir), mais c'est parce qu'elle est acte de liberté (nul ne peut interdire à quiconque de devenir propriétaire d'un bien libre), et non de violence. Toute action humaine consiste à opérer un choix, donc à exclure certaines possibilités au profit d'une seule option. Il faut une singulière mauvaise compréhension des concepts pour identifier cette exclusion à un acte offensif. C'est au contraire celui qui vous force à offrir (à lui ou un autre, du reste) quelque chose, qui révèle un comportement agressif. De plus, être propriétaire n'autorise personne à en opprimer d'autres, à les voler ou les massacrer. Ce n'est pas parce que j'ai acheté ma maison que je peux tirer sur mes voisins ou mes invités. Un fabricant de couteaux qui égorgerait ses ouvriers parce qu'ils ne l'ont pas salué, tout propriétaire qu'il soit de sa fabrique, commet évidemment un acte criminel. Agir de la sorte démontrerait le peu de cas fait des axiomes fondant le Droit de propriété, dont le premier énonce que chaque homme détient l'intégralité de son propre corps.
Pour revenir au problème de l’exclusion, la seule discrimination condamnable est celle qui frappe quelqu'un par des moyens politiques. Si une loi oblige un propriétaire à recevoir contre son gré une tierce personne, c'est aussi illicite que si elle le contraignait à le bannir. Or, que ce soit en matière de recrutement professionnel, de location d’appartement ou d'immigration, la loi étatique s'introduit dans les préférences individuelles pour décréter des normes collectives. Intégration forcée ou exclusion forcée sont les deux mamelles du Pouvoir intrusif.
Si, en principe, l'actionnariat continue d'exister dans le régime de propriété mixte, il se différencie totalement de l'actionnariat capitaliste. Dans la mesure où les citoyens actionnaires détiennent par le biais démocratique, ou plus généralement étatique, des titres de propriété, d'aucuns - je l’ai indiqué au début - estiment qu'il s'agit d'une juste correction apportée à l'iniquité présumée de la propriété, mais non d'une destruction de celle-ci. C'est faux. En effet, ainsi que l’a remarqué Henri Lepage, la propriété publique correspond à un état archaïque de la propriété. Deux caractéristiques inhérentes à la propriété privée lui font cruellement défaut: la divisibilité et la cessibilité. Quand « le peuple » est promu actionnaire d'une entreprise, aucun des individus qui le constituent ne peut se retirer du jeu - vu que cela reviendrait à risquer la prison pour non-paiement d’impôts. Il manque à cette pseudo-propriété la possibilité de sanctionner les failles des administrateurs. Certes, la seule issue qui lui reste est de quitter « le conseil d'administration » : son pays. Mais cela suppose des coûts de transaction élevés, ce qui équivaut à une rançon servant à acheter sa liberté. Voilà où conduit l'appropriation politique de l'entreprise: à transformer chacun en otage d'une économie mixte, donc à détruire la liberté d'initiative au nom de la démocratie ou du Peuple. Parler de propriété démocratique, pour signifier « propriété publique », n’est par conséquent rien d’autre qu’une pure escroquerie intellectuelle qui cautionne la spoliation politique.
Omer Vidolis
posted by melodius 20.1.04
aristophane dans les limbes
Le site de l'ami Aristophane est (momentanément ?) indisponible.
Ses nombreux admirateurs (et trop rares admiratrices) pourront le retrouver sur ce blog temporaire, en attendant son retour à l'adresse habituelle.
posted by melodius 20.1.04
15.1.04
le galilée de l'écologie
"The Skeptical Environmentalist" de Bjorn Lomborg sort en français aujourd'hui.
L'Institut Molinari publie une note de présentation des recherches de Lomborg. A lire d'urgence !
posted by melodius 15.1.04
14.1.04
fichu fichu
Enfin une initiative heureuse et citoyenne ! Mes fidèles lecteurs comprendront que je m'y joins bien volontiers, et liront par ailleurs avec intérêt ce texte du même auteur, auquel j'adhère totalement.
posted by melodius 14.1.04
12.1.04
a-t-on les ennemis qu'on mérite ?
En lisant ceci, j'ose espérer que non !
Remarquez qu'on ne peut poster de commentaire à ce post. Courageux, mais pas téméraire...
PS : Merci à Turion d'avoir attiré mon attention sur ce chef-d'oeuvre comique !
posted by melodius 12.1.04
6.1.04
l’angélisme démocratique
« La Russie n’est donc toujours pas devenue une démocratie ? » se seront sans doute demandé les quelques rares lecteurs du Soir en découvrant la chronique de Pol Mathil du vendredi 2 janvier. Le journaliste y relate un fait qui révolte le digne membre de l’AGLLB que je me flatte d’être, à savoir que la production de vodka est surveillée de près par le FSB (service fédéral de sécurité) - autrement dit, l’ancien KGB. Et Mathil de conclure avec une juste amertume son papier: « Bref, tout est clair: vodka, caviar et - depuis longtemps déjà - consommateurs sont placés en Russie sous la protection de la police. Pas chez nous heureusement » (souligné par moi) Je ne sais s’il faut déceler de l’ironie dans la remarque finale; en tout, cas elle serait justifiée. En effet, n’est-ce pas ici que les tenanciers de bistrot doivent désormais montrer patte blanche pour servir de la bière ? N’est-ce pas ici, dans notre démocratique Royaume de Belgique, que le prix du pain blanc est encore fixé par le gouvernement ? Au demeurant, comme le notait tout récemment l’ami Aristophane, il n’est même pas dit que la réforme visant à extraire la tartine des griffes et de l’appétit étatiques entre finalement en vigueur.
La question n’est donc pas de savoir si la Russie est devenue démocratique, mais plutôt de comprendre que la démocratie ne libère pas les individus de l’État. Je serais même tenté de dire que les méfaits étatistes n’en sont que plus facilement encouragés, puisque les élections sont présentées unanimement comme un droit inaliénable, un de ces « acquis sociaux » dont on nous rebat constamment les oreilles.
Il n’est pas rare de lire ou d’entendre des réflexions favorables à la corvée « citoyenne » telles que : tout bien considéré, qu’est-ce qu’une séance de cinéma perdue contre la satisfaction du devoir civique accompli ? L’obligation d’aller voter (en vigueur en Grèce, en Belgique et au Luxembourg) prive les gens d’une part de leur liberté, mais pour cinq minutes, disons une heure tout au plus. Quand bien même la durée serait aussi brève qu’indiquée ici (ce qui est douteux), l’argument du devoir civique ne tient pas. Contraindre des individus innocents à être provisoirement privés de leur liberté d’action, au nom de la primauté de la « liberté » politique, ne repose sur aucun principe moral. D’autant qu’il s’agit de les forcer à réduire autrui en esclavage ! Qui peut décider à ma place que les cinq minutes, ou a fortiori le quart d’heure, que durera ma présence dans le bureau de vote ne me font pas perdre mon temps ? Si minime qu’il puisse paraître, ce moment m’a été volé, alors que j’aurais pu le consacrer à autre chose: terminer un travail, m’absorber dans un loisir - lecture, promenade, concours de contrepèteries, qu’importe. Ce rapt horaire oblige chacun à organiser sa journée en fonction de ce « petit désagrément » qui n’existerait pas dans une société libre. Quelle que soit la zone géographique que recouvre le concept de citoyenneté (nationale, européenne, mondiale), il grève l’individu de devoirs officiels, en perpétuelle expansion. Et quand des droits sont reconnus et octroyés par la puissance étatique, ils sont faux puisqu’ils ne naissent qu’en privant d’autres personnes de leurs droits véritables. C'est la manière la plus durable d’éteindre la flamme de la responsabilité individuelle que d’imposer des « devoirs civiques » comme soi-disant contrepartie des « droits » (sociaux évidemment, cf. la Déclaration des Droits de l’Homme incluse dans la Charte des Nations unies). Le service militaire, cet esclavage prétendument instructif, a certes été aboli dans bien des pays démocratiques, mais le « consentement à l’impôt », locution orwellienne par excellence (imagine-t-on un « consentement à l’agression », hormis dans les night-clubs SM?), perdure plus que jamais.
Des lecteurs pourraient m’objecter à bon droit qu’en général, excepté les trois pays mentionnés ci-dessus, les citoyens d’une démocratie ne sont pas tenus de se rendre aux urnes. Très juste. Mais cela ne fait que corroborer mes dires. En effet, un abstentionniste devra supporter, à l’instar d’un électeur du camp défait, les conséquences du choix majoritaire. On me rétorquera que, pour éviter ce désagrément, il n'avait qu’à aller voter, « agissant ainsi de façon responsable ». Ici, l’obligation perd son caractère légal pour se parer des atours métaphysiques de la Nécessité : nul ne peut échapper à son devoir de citoyen, sans quoi il serait isolé de toute décision importante et sanctionné par le choix des autres. Mais vu que, même s’il se prononce, sa voix sera noyée parmi celle des autres serfs, et qu’ensuite elle sera définitivement assourdie par le filtre parlementaire, lui-même dilué dans les commissions les plus diverses, on ne voit pas ce qui pourrait inciter l’indécis, le blasé et le cocu à voter. Car, malheureusement, aucun pays - à ma connaissance - n’a institué le suffrage négatif, qui consisterait à ôter sa voix aux candidats que l’on désapprouve. Ensuite, il est savoureux de parler de responsabilité alors que ce sont de faux choix qui sont présentés et appuyés par un faux droit, et que les hommes de l’État demandent aux individus d’abandonner leur liberté dans pratiquement tous les domaines pour leur confier sans regimber les clefs du cadenas juridico-politique. Être sage et responsable, ce serait donc accepter docilement le non-choix de l’esclavage et de la violence ! En fait, la suprême dénaturation de l'individu réside dans la mystification inhérente à l’état de citoyen.
En d’autres termes, le tour de force des démocratolâtres consiste à nous faire croire qu’il n'y a pas d’autre issue pour se délivrer d'une tyrannie que d’en imposer une autre à ses semblables et de se faire despote soi-même -comme le notait Lysander Spooner.
De plus, ce collectivisme renforcé par l’illégitime légalité électorale s'appuie sur de curieux présupposés, qui défient toute logique. Les défenseurs de la démocratie nous expliquent généralement que la loi du nombre est préférable aux choix individuels. Mais ils ne nous éclairent jamais sur la raison de la supériorité politique qu’ils prêtent à la majorité. Pour eux, héritiers conscients ou non de l’utilitarisme, c’est le plus grand bonheur du plus grand nombre qui doit primer. Nulle part, ils ne révèlent que la politique favorise plus que probablement le bien-être de certains, mais que les moyens qu'elle emploie détruit nécessairement celui d’autres personnes. D’autres invoquent la sagacité supérieure de la majorité par rapport à l’individu isolé, incapable de percevoir tous les problèmes. C’est présumer que chacun de nous devrait essayer de résoudre les difficultés et les catastrophes les plus éloignées de lui... tout en restant incapable de s’occuper de soi-même ! Or, comme l'avait signalé Aristote, seul ce qui nous appartient en propre fait l’objet de soins efficaces. La supposée hauteur de vue de l’État démocratique est celle du médecin myope qui prétend soigner des gens valides en les rendant manchots.
De Hugo Chavez (le putschiste reconverti en Allende en sursis) à Daniel Ducarme (autre putschiste, et probable futur prédécesseur de Charles Picqué, lui aussi fin démagogue télégénique) en passant par Tony Blair (Tony le socialiste belliqueux qui a succédé à Tony le présumé « ultralibéral thatchérien »), tout tribun sait qu’il séduira et aura plus de chances de réussir à la seule condition de flatter bassement la foule, et non en sollicitant la raison des individus. Le politicien fait appel à notre part personnelle de sottise et d’ignorance, qu'il transmute en présumée sagesse populaire par le truchement de son verbe sentencieux. Et c’est là que l’illogisme triomphe sans que cela scandalise les « intellectuels » prétendument si vigilants. Car, ainsi que le faisait remarquer le sarcastique H. L. Mencken, si X est la population d'un pays et Y le degré d'imbécillité de l’autochtone moyen, la démocratie postule alors que X fois Y est inférieur à Y.
D’après Karl Popper, comme pour son ami Hayek, la démocratie posséderait deux visages contradictoires. Du premier, il convient de se défier sans tergiverser, c'est la démocratie absolutiste qui lèse les individus par des mesures arbitraires. En revanche, le second lui paraît plus raisonnable: la démocratie équivaudrait à un instrument de paix sociale permettant de changer de gouvernants sans effusion de sang. Pourtant, n’en déplaise au digne philosophe, la paix qu'apporte censément la démocratie n'est que très relative, voire hautement idéalisée. Pensons notamment au bellicisme des politiciens français d’avant 1914 ainsi qu’à leur volonté d’humilier les vaincus de 1918. De plus, il est aisé de réfuter l’idée poppérienne en rappelant que les relations commerciales entre des individus de régions et pays différents se passent le plus pacifiquement du monde, à moins qu'un gouvernement n’intervienne et ne perturbe ainsi le libre jeu du marché. Protectionnisme et démocratie se combinent sans difficulté, depuis la loi Méline jusqu'à la PAC aujourd’hui. La rareté des révoltes libérales contre un gouvernement dit légitime ne démontre rien en sa faveur, mais prouve plutôt qu’il possède des ressources importantes comme l'intimidation policière lato sensu (dont l’inquisition fiscale n’est pas la moindre manifestation), les vexations diverses, la propagande massive transformant les éventuels émeutiers en sauvageons d’extrême-droite, mais aussi l’achat de voix, l’ambiguïté langagière, les promesses spectaculaires.
Donc, selon l'école poppérienne, bien que la démocratie s'incarne dans la loi de la majorité, elle permet en théorie de modérer les décisions des hommes de l’État - du moins tant qu’ils craignent de perdre leur pouvoir par les urnes. Pour infliger un cinglant démenti au philosophe, il suffit de se tourner vers les démocraties européennes, où les panzers de l’harmonisation fiscale progressent chaque jour un peu plus.
À mon avis, en insistant sur les qualités civilisatrices des institutions démocratiques, l’épistémologue a pris ses désirs pour des réalités. Il a essayé de trouver un argument de fortune, susceptible d’idéaliser et sauver la démocratie d’une critique plus approfondie. Autrement dit, l’auteur de La Société ouverte et ses ennemis a tenté de protéger l’État en se référant à ce qu’il aurait voulu qu’il fût, et non à ce qu’il était réellement et nécessairement. Popper a donc omis de considérer que, si elle apparaît moins sanguinaire que la barbarie totalitaire, la démocratie n’en engendre pas moins les conditions d'une guerre civile, plus ou moins feutrée, certes, mais liberticide quand même.
En revanche, les auteurs libertariens font observer que la démocratie est intrinsèquement (et non circonstanciellement) nuisible, car elle décuple les pouvoirs bureaucratiques par le recours à des alibis dirimant par avance toute objection morale - notamment en employant l’argument des élections régulières. Pour les anarcho-capitalistes, il ne s’agit aucunement d'une circonstance atténuante; l’esclavagisme n'est pas plus tolérable s’il est entériné par une décision prise à la majorité des voix. D’où le refus de cautionner la formule contradictoire de démocratie libérale. Comme l’ont écrit les Tannehill, « défendre le gouvernement, c’est défendre l’esclavage. Défendre le gouvernement limité, c’est se mettre dans la situation ridicule de défendre l’esclavage limité. » (« The Market for Liberty ».
De son côté, Hans-Hermann Hoppe ne craint pas de provoquer le lecteur lorsqu’il fait observer: « Contrairement à un mythe répandu, il faut souligner que le défaut de démocratie n’était absolument pour rien dans la faillite du socialisme soviétique. Ce n'était pas le mode de sélection des politiciens qui constituait le problème du socialisme réel. C'était la politique et la politisation des décisions en tant que telles. » Si les mencheviks et les modérés avaient conservé le pouvoir, ils auraient probablement évité à leurs compatriotes (et à leurs voisins) les affres cauchemardesques du Goulag et de la servitude totale, néanmoins ils auraient usé de violence légale contre la propriété individuelle, ainsi que le font toutes les démocraties. Les révolutionnaires communistes ont d’emblée employé la terreur pour imposer leur volonté; les démocrates occupent le pouvoir légalement, mais c’est toujours pour faire plier les individus. Plus généralement, le putsch bolchevique représente la vérité occultée du phénomène politique: la politisation totale de la société.
Des démocraties telles que l’Italie, l’Autriche ou la Belgique - à travers la particratie - ont poussé le vice de la politisation très loin. Ainsi, un pauvre qui cherche à se loger à Bruxelles doit, si j’ose m’exprimer de la sorte, avoir ses entrées dans le sérail politique - sous la forme d’une (ou plusieurs) carte(s) de parti. S’il dispose de cet atout, il pourra louer une piaule dans un de ces taudis insalubres et peu sûrs « offerts » par les hommes de l’État. Sinon, il sera relégué au bas de la liste d’attente... Cela ne vous rappelle rien ? Moi si: la très réaliste scène de Tintin au pays des Soviets où des gosses affamés doivent faire la file pour recevoir des mains d’un infâme apparatchik une bouchée de pain. Les hommes de l’État créent donc la pénurie - du logement et/ou de la farine -, puis s’arrogent le droit d’échanger ce qu’ils se sont indûment approprié contre un serment d’allégeance à leur parti. Moyennant l’apposition d’un cachet officiel, le marché politique détruit le marché libre - j’y reviendrai, je l’espère, dans un article ultérieur.
Face à la destruction démocratique de la liberté, l’idéal libertarien doit rester celui d’ « une société qui abandonne la politique pour la politesse, la citoyenneté et le civisme pour la civilité ». (Christian Michel)
Omer Vidolis
posted by melodius 6.1.04
2.1.04
avant-garde ludique des libertariens bruxellois
Un beau cadeau de nouvel an de l'ami Eskoh, compagnon de route de l'AGLLB :
Merci Eskoh !
posted by melodius 2.1.04
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