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{24.12.03}

 
table des matières


Le temps qui passe

les pensées du mollah
tristes tropiques
tristes tropiques, bis
la culture étatisée, par Zek
pauvre France !
ma bafouille à chichi
on a toujours besoin de plus aristophane que soi !
mariage gay


BelgaVox

le ver solitaire
le trou
in bed with elio
président de bureau de vote, par Alceste
Dieu et le cdh
compétence universelle
justice prolétarienne
les afghans de l’été
le plat pays qui est le mien


Le mouvement

les conséquences
les conservateurs américains
libertariens ?
libertariens bis
qu’est-ce que le libertarianisme ?
réflexions sur le néo-conservatisme et sa fausse parenté avec le libéralisme, par Omer Vidolis
la cinquième colonne
guillaumat le conquérant, par Omer Vidolis
nouvelles du front
avant-garde ludique des libertariens bruxellois, par Eskoh
a-t-on les ennemis qu'on mérite ?



Thèmes libertariens

l’état-providence… des malfaiteurs, par Omer Vidolis
les keynésiens du centre-droit, par Omer Vidolis
la corruption égalitariste du droit, par Omer Vidolis
l'angélisme démocratique, par Omer Vidolis


Enseignement

l’inexorable déclin de l’enseignement des mathématiques en France, par VeloDeus
l'inexorable déclin de l'enseignement des mathématiques en France, seconde partie, par VeloDeus
« pour un meilleur enseignement, il faut moins de professeurs », par VeloDeus


Immigration

immigration 1
immigration 2
immigration 2 bis
immigration 3
gengis on hhh, par Gengis Khan
gengis replies, par Gengis Khan
gengis and me, par Gengis Khan
me and gengis
le mal français


Gadsden Flag

drapeau libertarien
puute van de koech !
gadsden flag industriel, par Eskoh


La gauche

alceste et son voisin, par Alceste
un blogogeois contre-attaque


Critiques et comptes rendus

compte-rendu de « An enemy of the State: The Life of Murray N. Rothbard » par Justin Raimondo, Prometheus Books, Amherst (NY), 2000 (première partie)
deux poids, deux mesures
la vitrine hollandaise
kung-fu fa-cho


Liens

liens (16.4.2003)
quelques nouveaux liens (9.7.2003)
liste des liens (29.10.2003)
liste des liens (16.12.2003)
posted by melodius 24.12.03



{22.12.03}

 
"Pour un meilleur enseignement, il faut moins de professeurs."


Mis à part l'indémodable triptyque "augmentation des salaires/hausse du pouvoir d'achat/plus de biffetons à la fin du mois", le disque rayé favori des enseignants-grévistes est le tube bien connu "il faut augmenter le nombre de postes" (de professeurs, au concours, etc...). J'aimerais aujourd'hui vous faire sentir rapidement pourquoi la mesure rigoureusement inverse serait nettement préférable.

Tout d'abord, il faut bien faire prendre conscience au contribuable que pour faire baisser les effectifs de 30 élèves à 20 élèves dans une classe (ce qui semble être le genre d'objectifs que se donnent les fans de la réduction du nombre d'élèves), il faut, avec le modèle le plus simple, multiplier par 1,5 le coût du personnel enseignant. S'ajoute évidemment à cela l'inadéquation entre la taille des salles de classe et les nouveaux effectifs, qui conduit à un gâchis d'espace utilisable. Y a-t-il beaucoup de parents qui seraient prêts à payer 50% plus cher l'école de leurs enfants pour qu'ils soient dans des classes moins "surchargées" ? Apparemment, ce n'est pas le cas, puisque les parents qui en ont la possibilité préfèrent actuellement dépenser quelques sous pour mettre leurs enfants dans des écoles privées où ceux-ci seront mieux encadrés (mais pas en général moins nombreux par classe).

C'est volontairement que j'ai posé ce problème coût/avantage de manière idyllique, en supposant que les nouveaux professeurs intégrés à l'EN seraient tous parfaitement compétents. Revenons donc à la réalité, qui est plus brutale : toute augmentation du nombre de postes aux concours de recrutement d'enseignants se fait essentiellement par le bas. Au vu du niveau de certains titulaires du CAPES, on peut être donc certain que l'augmentation du nombre de postes se traduirait par une augmentation de la proportion de professeurs incompétents dans l'institution.

Aïe, aïe, aïe, le mot est lâché ! Je viens de révéler ce dont tout le monde parle en salle des profs, mais que les parents ne doivent surtout pas savoir : une quantité non négligeable des professeurs dans les mains desquels passent leurs gamins leur raconte des âneries. Du côté des libéraux, on était déjà au courant pour ce qui est des professeurs d'économie keynésienne du lycée, mais le constat peut paraître surprenant lorsqu'il s'agit de mathématiques. Cette surprise est tout à fait naturelle : la plupart des parents ne sont pas capables d'évaluer la compétence des professeurs de leurs gamins ; quant aux collègues de ces derniers, les syndicats auraient tôt fait de pourrir leur carrière s'ils avaient la mauvaise idée de dénoncer à l'inspection les fautes professionnelles qu'ils constatent.

Le résultat des courses est que je récupère cette année des élèves qui ont eu à peu près tous eu un professeur de mathématiques incompétent lors de leurs années de lycée (une élève semble avoir échappé à cela : il est vrai qu'elle vient d'une institution privée réputée...). Parmi les bêtises que ceux-ci ont pu leur apprendre, voici un petit échantillon :
- utilisation d'un symbole d'équivalence logique (ou d'implication) pour signifier "donc"
- déroulement de calcul de limites
- notation (f(x))' pour désigner la dérivée de la fonction f en x
- confusion entre la fonction f et sa valeur en x (à savoir f(x)) : c'est ainsi qu'on lit des "f(x) est croissante" à longueur de copies.

Ces élèves se retrouvent donc cette année obligés de désapprendre toutes les bêtises qu'on a pu leur enseigner dans les classes antérieures, ce qui demande un temps qui ne pourra pas être utilisé à appréhender de nouveaux concepts. Je suggère donc qu'on demande aux parents de répondre à l'interrogation suivante : souhaitez-vous que vos enfants soient plus nombreux à profiter de l'enseignement des meilleurs professeurs, ou que les effectifs de leur classes soient plus réduits, mais qu'ils aient alors une chance plus faible de bénéficier d'un enseignement de qualité ? Voilà au moins une question qu'on n'entendra pas au "débat sur l'école"...

VeloDeus
posted by melodius 22.12.03



{12.12.03}

 
liste des liens

Voilà, voilà, une nouvelle liste des liens !

J’ai ôté les inactifs (qui pourraient réapparaître s'ils avaient le bon goût de se secouer un peu...) et ajouté quelques nouveautés intéressantes.

L’avant-garde ludique des libertariens bruxellois

L'Empire de Constantin [b]
Élégant comme Céladon, agile comme Scaramouche, je vous préviens, cher Mirmidon, qu'à la fin de l'envoi, je touche! ...

Aristophane Triboulet [b]
Faut-il encore présenter notre libertin préféré ?

Urgesat ! [fr]
Urgesat ! SF [fr]
Urgesat ! SF page 2 : de l'anti-utopie [fr]
Urgesat ! Larry Niven [fr]
Urgesat ! Education [fr]
Urgesat ! Bibliographie électronique [fr]
Urgesat ! Top 10 [fr]
Sylvain Gay, le prolifique animateur de la galaxie Urgesat !, est Français, ce qui ne l’empêche pas d’être un membre estimé de l’avant-garde ludique des libertariens bruxellois.

Il manque à cette liste ceux qui n’ont pas encore de présence indépendante dans la blogosphère (Walter Rebuttand, Omer Vidolis et Cécile Philippe) et ceux dont j’espère qu’ils se joindront bientôt à nous (VeloDeus, Sabato, et d’autres encore !)

sites amis

Liberaux.org [fr]
Catallaxia [fr]
Les sites de Fabrice Ribet, infatigable et indispensable rassembleur libéral. Je profite de l’occasion pour le remercier bien sincèrement pour tout son travail. (note du 6 janvier 2004 : Liberaux.org est désormais dédié aux seuls forums.)

Institut Molinari [b]
Tapi dans l’antre de la bête, l’Institut Molinari, sous la houlette de la charmante Cécile Philippe, tente de libéraliser l’Europe.

La Page Libérale [fr]
Sous la direction de l’énergique Hervé Duray, qui m’a viré de sa liste des liens. On ne peut pas plaire à tout le monde !

blogs amis

whOOps [fr]
Le site de Claire, qui sévit également sur la PL et à l’Institut Molinari

Zek's blog [fr]
Exocet libéral. Polémiste hors pair et commentateur culturel inspiré que j’ai déjà eu l’honneur de recevoir ici. Accessoirement, mon adversaire préféré. Attention, il est d’une mauvaise foi crasse dès qu’il s’agit de moi !

Ase's corner[b]
Liberté [fr]
Lep's corner [fr]
Blogorrhée [fr]
Le Champ Libre [fr]
Sites libéraux de très haute tenue, même si je me hâte de préciser que je suis souvent en désaccord avec eux. On regrettera le ralentissement du débit du Blogographe et de Lep…

Eskoh [fr]
Le techno-pape libéral. Compagnon de route attitré de l’AGLLB !

Rue Taranne [fr]
Excellente plume catholique et libérale.

Le Petit Libéral [fr]
Blog d’Aurélien, un libéral « pragmatique » à l’humour ravageur.

The Free Goat [ch]
Mobius In Flight [fr]
Jeunes et libéraux.

Sites libertariens

LewRockwell.com [us]
Ludwig von Mises Institute [us]
Antiwar.com [us]
Strike The Root [us]
le Québécois Libre [qc]
Sites libertariens généralistes animés par des équipes importantes. Le Québécois Libre possède les intéressantes particularités d’être rédigé principalement en français et de ne pas se livrer à l’apologie du bellicisme messianique. On ne peut malheureusement en dire autant de beaucoup de sites, home pages et blogs libéraux francophones.

Home pages libertariennes

Home page de David Friedman [us]
Plutôt bordélique, mais David Friedman est un des tous grands messieurs du libertarianisme.

Home Page de Bryan Caplan [us]
Une mine d’informations, de l’anarchisme à (l’anti-)communisme.

Liberalia [ch]
Pierre Lemieux [qc]
Bertrand Lemennicier [fr]
Remarquables sites libertariens francophones. Liberalia est la cyber-émanation de l’excellent Christian Michel.

Hervé de Quengo [fr]
Indispensable ressource de textes libertariens en français.

Faré, le site [fr]
Home page de Marc Grunert [fr]
Parfois contestables, toujours stimulants.

autres blogs libéraux et libertariens

LewRockwell.com Blog [us]
Mises Economics Blog [us]
Antiwar Blog [us]
Faut-il réellement préciser ?

Le blog de Johan Norberg [no]
Une star libérale !

quo vadis [it]
Sympathique blog libertarien transalpin, à forte fibre régionaliste. Malheureusement en sommeil.

Faré, le blog [fr]
Contrepoison [fr]
Intellectuels libéraux de haut vol.

Un Swissroll [ch]
Quatre-mains de deux libéraux de gauche.

Et pour finir quelques blogs de gauche, histoire de faire semblant d’avoir l’esprit ouvert…

Embruns [fr]
Une rondelle de saucisson et l’addition [fr]
404 Brain not Found [fr]

PS du 16 décembre 2003

Nouveaux venus prometteurs:

Ex abrupto [fr]
Polyscopique [ca]
Tanstaafl ! [fr]
Congoneries [congo brazza]

PS du 6 janvier 2004

Et deux nouveaux liens, deux !

La page perso d'un des intervenants les plus intéressants de liberaux.org qui s'annonce déjà comme un incontournable :

la page perso de Sabato [fr]

Et bien sûr celui-ci, découvert grâce à l'ami Sylvain:

Evoweb [fr] (ne pas rater le blog !)
posted by melodius 12.12.03

 
l'inexorable déclin de l'enseignement des mathématiques en France, seconde partie

Il y a quelque temps déjà, je vous faisais part sur ce blog de mes réflexions sur la dégradation constante du niveau des programmes de Mathématiques (et par voie de conséquence, des élèves), et donnais quelques raisons de s'inquiéter de ce phénomène.

A l'heure actuelle, on peut juger que l'évolution des programmes est rentrée dans un cercle vicieux : toute réduction de programme et/ou d'exigences est justifiée par l'argument-massue classique (à savoir que "de toute façon les élèves ne comprennent rien"), et a pour conséquence une baisse du niveau moyen (mon collègue de Physique, qui a plus de bouteille que moi, reconnaît n'avoir "jamais vu de sa vie des élèves pareils en Classes Préparatoires"), baisse qui servira de justification providentielle à un amaigrissement ultérieur du contenu des programmes.

Premier problème : comment une telle spirale négative a-t-elle pu se mettre en place ?

Je me bornerai à constater que l'objectif égalitariste du "bac pour tous" (ou presque) ne pouvait être réalisé que de deux manières :
1) en modifiant le code génétique des moins doués
ou
2) en abaissant les exigences pour l'obtention du diplôme.

Les hommes de l'Etat et autres bureaucrates n'ayant pas les outils techniques pour mettre en oeuvre la première solution, c'est tout naturellement qu'ils ont mis en route le plan B. La réduction comme peau de chagrin des programmes de Mathématiques ne doit alors être vue que comme un dommage collatéral de cette stratégie.

Bon, je le reconnais, cette analyse n'a rien de bien original : Jean-Pierre Demailly, enseignant chercheur à l'Institut Fourier de Grenoble, et peu suspect de sympathies libérales, fait pratiquement la même, sarcasme anti-state en moins, et parano anti-Microsoft en plus.

Second problème : pourquoi aucune rétroaction ne vient-elle contrecarrer ce phénomène ?

En bout de chaîne, les écoles d'ingénieurs puis les entreprises pâtissent évidemment de la dégradation du niveau respectivement de leurs élèves et de leurs employés. Il s'ensuit un accroissement de la rareté des ingénieurs compétents et bien formés, et cette rareté augmente la valorisation de ces compétences sur le marché du travail. En retour, une plus grande valorisation des formations de haut niveau doit accroître la demande pour ces dernières. Dans une réelle situation de concurrence sur le marché de l'éducation (à savoir une situation dans laquelle réglementation et fiscalité ne feraient pas de l'éducation nationale le monopole légal qu'il est actuellement), cette demande se traduirait par une sanction des consommateurs contre les collèges et lycées délivrant des formations au rabais, sous la forme d'une demande accrue de scolarisation dans ceux qui maintiennent de hauts standards académiques. On remarquera que l'afflux constaté récemment dans les collèges et lycées privés sous contrat est l'équivalent d'un tel "shift", les consommateurs sanctionnant visiblement le manque d'encadrement et de sécurité dans les établissements publics. On remarquera également qu'il s'agit des seules spécificités , mis à part le caractère confessionnel- plus anectodique, de nos jours -, que les hommes de l'Etat veulent bien laisser aux établissements privés sous contrat (à savoir ceux dans lesquels les parents ne sont pas contraints de payer deux fois pour les services d'éducation qu'on y délivre à leurs enfants).

En l'absence de toute concurrence entre établissements au niveau du contenu des enseignements, le feedback nécessaire à la fin de la spirale actuelle ne peut avoir lieu. Et c'est donc là qu'il faut chercher une solution viable (par viable, j'entends une solution ne s'appuyant pas sur une enième réforme de l'enseignement, qui compterait pour sauver l'école - touchante naïveté - sur les mêmes bureaucrates qui l'ont foutu en l'air).

J'ai imaginé le scénario suivant, dans lequel la concurrence pourrait résoudre le problème : l'idée de base est qu'il existe aujourd'hui un gisement inexploité sur le marché de l'éducation, et c'est celui de l'enseignement bilingue français/anglais dès les petites classes. Il parait donc possible de mettre en place une entreprise de services scolaires (j'emploie volontairement ce vocabulaire pour achever d'agacer les quelques gauchistes qui auraient eu le malheur de tomber sur ce texte) qui gérerait des établissements de primaire au lycée proposant un enseignement de ce type. Cette entreprise devrait avoir une politique commerciale aggressive pour attirer une clientèle exaspérée par la nullité de l'EN, avec comme objectif assumé de récupérer le plus d'élèves possibles. Le recrutement du personnel peut être fait :
- en débauchant les meilleurs professeurs de l'enseignement public (en tout cas ceux qui sont capables de mettre de côté leur rage égalitariste), dont certains - j'en suis - n'auront aucun mal à accepter une légère minoration de leur salaire en échange d'un job plus passionnant ;
- en employant à temps partiel des élèves ingénieurs ou de GE pour assurer les heures de soutien ou les séances d'exercices.

Une fois mis en place un tel réseau d'écoles tournées vers l'excellence, on doit pouvoir, moyennement une bonne gestion financière, envisager de tailler des croupières au monopole d'Etat en phase terminale. Il n'y aurait plus alors qu'à débrancher le patient, ou à espérer un hypothétique sursaut de ce dernier, qui en reviendrait éventuellement à de réelles missions d'enseignement (et non de garderie, cf l'analyse de Philippe Nemo).

Il me semble que la condition sine qua non de la réussite d'un tel plan est néanmoins une modification substantielle de l'environnement fiscal et réglementaire. Il est probable que la mise en place des school-vouchers - solution pas entièrement libérale au demeurant, et qui présente quelques dangers - serait un pas dans la bonne direction, et devrait permettre l'éclosion d'un marché de l'éducation nettement plus concurrentiel aux niveaux primaire et secondaire.

VeloDeus
posted by melodius 12.12.03



{8.12.03}

 
mariage gay

Autant l’avouer tout de suite, le mariage homosexuel n’est pas un sujet qui me passionne. D’abord, je ne suis ni homosexuel, ni marié. Ensuite, je n’éprouve aucune affinité particulière pour la « culture gay » qui, oserais-je l’avouer, m’emmerde au contraire profondément. Cela étant, la lecture de deux des derniers billets de Zek (disponibles ici et ici) m’a quand même laissé comme deux ronds de flan. Je ne résiste donc pas au plaisir de rajouter mon grain de sel et de contredire « the adversary ».

La « substantificque moëlle » de l’argumentation zékienne est la suivante : le mariage serait une institution millénaire dont la raison d'être est de sanctionner l'union entre un homme et une femme en vue de fonder une famille. Le mariage homosexuel est donc tout simplement impossible. Ce que l'on entend par mariage homosexuel est un rituel sordide et dérisoire qui parodie le vrai mariage et ne saurait avoir la moindre valeur.

Contrairement à ce que semble affirmer Zek, le mariage n’est pas une réalité biologique immuable mais une institution qui n’est pas identique d’une civilisation et d’une époque à l’autre. Lorsque Zek écrit, dans le courant de sa démonstration, qu’on voit mal ce qui s'opposerait à (…) ce qu'on soit marié simultanément avec plusieurs personnes, ou à ce qu'un mariage implique plus de deux personnes, on se demande s’il a déjà entendu parler d’une institution appelée « polygamie » qui a pourtant connu son petit succès un peu partout dans le monde.

Rien ne s’oppose donc, en principe, à ce que l’institution s’adapte aux besoins de l’époque.

De plus, si la vision zékienne est parfaitement orthodoxe au regard du droit canon de l’Eglise catholique, qui considère en effet que la finalité du mariage est la procréation, elle n’est pas conforme au droit civil. Si c’était le cas, il faudrait admettre l’annulation du mariage lorsqu’un des partenaires est infertile – ce qui se fait par exemple au Maroc – ou encore si les époux font usage de moyens contraceptifs – ce qui motive, semble-t-il, la plupart des procès en annulation de mariage devant les tribunaux ecclésiastiques. Or, je doute que Zek soit disposé à être à ce point cohérent.

Le seul argument de quelque poids de mon réac préféré est l’intérêt des enfants : le mariage homosexuel serait la porte ouverte à l’adoption et à la conception artificielle par des couples homosexuels.

C’est fort possible. Toute la question, du moins dans le cadre légal et institutionnel existant, est de savoir si, effectivement, les enfants de couples homosexuels sont, de ce seul fait, préjudiciés. Franchement, je n’ai pas d’opinion sur le sujet, n’étant pas suffisamment informé pour pouvoir me prononcer. Pour autant que je sache, les quelques études qui existent ne semblent pas justifier les craintes de Zek. A bon droit, il pourrait me répliquer qu’on a par exemple fait mine d’ignorer, des années durant et pour des motifs purement politiques, que le divorce des parents est un des marqueurs les plus fiables en matière d’échec scolaire et de troubles du comportement de l’enfant.

Il n’empêche que rien ne nous oblige à jeter l’enfant avec l’eau du bain et qu’il est a priori parfaitement possible d’examiner le problème de manière dépassionnée et objective. Cela implique notamment que ceux qui veulent criminaliser un acte purement privé devraient justifier leur point de vue scientifiquement. On attend toujours...

Il n’empêche surtout que rien ne s'oppose, dans le cadre légal actuel, à la reconnaissance du mariage homosexuel découplé de la filiation, dans l’attente d’en savoir plus.

Zek a par ailleurs tout à fait raison lorsqu’il perçoit, sous l'exigence du mariage gay, la volonté de certains cénacles « progressistes » de nuire à la famille « bourgeoise » et aux valeurs traditionnelles. Mais quoi ? La fin justifie-t-elle les moyens ? Ces valeurs ne peuvent-elles survivre qu’à condition que l’état réglemente la vie privée ? C’est faire preuve d’un grand pessimisme au sujet de ce qu’on affirme aimer et défendre !

Finalement, le dégoût, ou du moins le déplaisir esthétique qu’éprouveraient Zek ou d’autres en voyant des homosexuels se marier ne saurait constituer un argument. Il n’y a pas de droit à ne pas être choqué. En ces temps de « correction politique » galopante, on ne saurait trop le répéter.
posted by melodius 8.12.03



{26.11.03}

 
nouvelles du front

Hervé Duray, animateur de la Page Libérale et guillautomate de combat, a commencé un blog spécialement pour remettre votre serviteur à sa place. Lui ayant fait une ou deux remarques ironiques mais pas spécialement méchantes, notamment afin de le remercier de son aimable attention, il a tellement enragé qu'il a viré post et commentaires.

Pour faire bonne mesure, mon blog a également disparu de la liste des liens de la Page Libérale. Vive la diversité d'opinions, pourvu que nous soyons tous d'accord !

Décidément, il ne fait pas bon s'attaquer à Nanabozo le Grand Lapin.

La suite prochainement, j'imagine. Si les ténèbres ne m'ont pas englouti !
posted by melodius 26.11.03



{24.11.03}

 
guillaumat le conquérant

Un spectre hante Internet : le guillaumatisme. Directeur de la collection « Laissez-Faire », l’économiste François Guillaumat, qui avait acquis quelque réputation en traduisant notamment le vieux Murray et - dernièrement – Hans-Hermann Hoppe, fut longtemps l’une des figures de proue de l’anarcho-capitalisme en France. Nous publions ici les auteurs pour qui la violence agressive est toujours condamnable et la responsabilité toujours préférable, comme ceux qui pensent que ni le Droit ni la logique ne doivent être à éclipses, voilà le beau et juste programme affiché par FG en qualité de directeur de collection. On peut, hélas, émettre quelques réserves sur sa capacité à l’appliquer dans les échanges contradictoires.

Désormais, il est en effet devenu l’un des animateurs les plus féroces de la cabale anti-libertarienne qui sévit sur la Toile. À l’occasion de la guerre en Irak, il s’est découvert néoconservateur, tout en continuant de se réclamer de l’anarcho-capitalisme. Un grand écart que même Noureev eût probablement été incapable de réaliser ! Chapeau l’artiste ! Pour moins que cela, Ayn Rand - paix à son âme anti-mystique -, eût parlé de « vol de concepts ». Quoique... ses disciples n’y vont pas par quatre chemins pour justifier l’implantation de la démocratie antilibérale à Bagdad...

Guillaumat suivrait-il en fait les traces de Miss Rand ? En tout cas, son libertarianisme semble aussi entaché d’illogisme. Dans un article de 1966 intitulé The Roots of War (repris in Capitalism : the Unknown Ideal), Ayn Rand stigmatise avec force l’étatisme comme origine du bellicisme. Pour elle, le wilsonisme et ses séquelles démontrent en effet que l’étatisme est également une erreur en politique étrangère. Et pourtant, dans The Virtue of Selfishness, elle ne craint pas de se contredire en expliquant que l’interventionnisme militaire se justifie quand il est au service d’une société « libre » cherchant à renverser un gouvernement tyrannique. Cet argument est celui dont se servent aujourd’hui ses élèves pour cautionner la politique extérieure de l’État providence que restent les USA - lequel leur apparaît comme une ressource... providentielle pour combattre l’esclavagisme !

Melodius, mon hôte, a déjà ferraillé à maintes reprises avec celui qu’il surnomme affectueusement « Nanabozo le Grand Lapin ». Leur dernier échange montre toute l’étendue des ressources intellectuelles du sieur Guillaumat. « On » est un con est un aphorisme qui restera certainement dans les anthologies de la pensée politique, sinon dans celles du libertarianisme ( ?) français. Peut-être même que tel bloggueur objectiviste entreprendra de s’en servir comme d’une sainte parole - qu’il voudrait en tout point égale aux apophtegmes les plus sacrés que l’on répète au sein de l’église des ascètes randiens ! Hélas, du point de vue de la logique aristotélicienne, je ne saisis pas très bien comment un sujet aussi vague - sinon inexistant - que On pourrait penser (ce que suppose quand même le fait d’être un con). Voilà que le conquérant de la blogosphère, armé de sa grammaire logique, a raté une occasion de rester poli. Tout au plus a-t-il gagné les galons d’humoriste métaphysique, quelque part entre Raymond Devos et Heidegger. Ce serait bien la première fois qu’un peu d’humour souffle sur les plaines arides des listes de discussions « libertariennes » françaises (où l’on est très pointilleux sur le sens du moindre mot) !

D’où vient la hargne récente de François Guillaumat contre les autres anarcho-capitalistes ? Apparemment, de sa découverte tout aussi récente que Rothbard avait résolument combattu l’interventionnisme militaire de son pays. Quel scoop ! Il n’est jamais trop tard pour apprendre : le traducteur de The Ethics of Liberty a enfin compris le message anarcho-capitaliste, à savoir que l’Etat n’a pas plus vocation à produire et vendre des escalopes sur une belle salade qu’à se lancer dans la course aux armements. Jusqu'à ces derniers mois, Guillaumat aurait-il pris Rothbard pour un clone de Barry Goldwater ? C’est peu probable, mais il semble que cet amoureux déclaré du raisonnement imparable et non-contradictoire ait ses failles. La moindre n’étant pas son culot stalinien à traiter de complices objectifs du terrorisme - oui, rien que ça ! - les adversaires libertariens de la politique des néo-cons. Lui qui aime d’ordinaire débusquer les impostures trotskistes, il devrait y regarder à deux fois. Mais, après tout, quand on se décide à soutenir le Menhir de St-Cloud (le Président comme il l’appelle avec une tendresse émue), pourtant au moins autant ami de Saddam Hussein qu’un Chevènement ou un Chirac, on ne se soucie plus trop de savoir si la cohérence revêt quelque signification. Ah oui, j’oubliais, « on » est un...

Pour terminer, voici une dernière preuve de ce que l’anar-néocon frontiste peut plonger dans la plus abyssale incohérence sans bouée de sauvetage. Décrivant la collectivisation de la santé, FG parle d’ un paradis construit sur le vol, dont la morale pourrait se résumer à J’m’en fous, c’est pas mon fric. Raisonnement correct (encore que le terme de « paradis » pour désigner l’enfer du communisme de la santé étatisée... mais bon, ne chicanons pas). Nous aurions donc dû nous attendre à ce qu’il décrive et critique, avec autant de véracité et de pugnacité, le plan d’intervention américain ? Hé bien non ! Figurez-vous qu’en ce cas, il a parlé de combat pour la liberté.

Je ne doute pas que les fans et autres groupies déchaînés du grand penseur se manifesteront à la lecture de ma prose iconoclaste, comme ils le font ordinairement dès que l’on ose le contredire. Les mânes d’Ayn Rand veillent sans doute sur la destinée de FG. En témoigne le culte qui lui est voué comme à l’auteur d’ Atlas Shrugged, de sorte que le gourou - comme Miss Rand naguère - se permet d’accuser ceux qui se trouvent en désaccord avec lui d’avoir rallié les rangs de l’anti-raison !

Mais peu me chaut : c’est à eux de prouver que leurs réflexions correspondent bel et bien au libertarianisme, pas aux anarcho-capitalistes conséquents. Un spectre hante Internet : celle du guillautomatisme...

Omer Vidolis
posted by melodius 24.11.03



{21.11.03}

 
la cinquième colonne

J’avais déjà expliqué sur ce blog par quel mécanisme les néo-conservateurs ont infiltré et dénaturé le mouvement conservateur américain à la faveur de la guerre froide. La soi-disant « guerre contre le terrorisme » va-t-elle leur permettre de réaliser le même coup en Europe, au détriment du libéralisme et du minuscule mouvement libertarien ? L’offensive a en tout cas commencé. Une production typique des adorateurs du messianisme belliciste à l’américaine vient de paraître sur le site de l’Institut Hayek sous la plume de Drieu Godefridi, personnage qui s’est régulièrement signalé à l’attention du public ces derniers mois par des articles soutenant la guerre en Irak.

L’article, intitulé Critique de l’Utopie Libertarienne, se distingue, comme le relève Hans-Hermann Hoppe (à qui Godefridi a eu l’inconscience d’adresser son opus maximus) par une totale ignorance des idées que son auteur entreprend d’attaquer. Il n’en reste pas moins intéressant, tant parce qu’il démontre l’anti-libéralisme foncier de Godefridi et de ses amis que parce qu’il révèle leurs objectifs réels.

Godefridi commence son exposé par quelques paragraphes lourdement didactiques dont on retiendra principalement que les minarchistes, loin d’être les libertariens qu’ils croyaient être, seraient finalement des libéraux « classiques ». Les esprits curieux que nous sommes auraient aimé savoir comment Godefridi parvient à cette conclusion qui tranche avec l’opinion de la plupart des intéressés. Hélas, l’article n’en dit pas plus ! Gageons que le raisonnement godefridien se révèlera dans toute sa puissance aux masses incultes dans le prochain article que l’Institut Hayek publiera pour leur édification.

Son but politique par contre, est plus évident : isoler les anarcho-capitalistes honnis et les livrer à l’exécration du peuple. Godefridi avait déjà livré le fond de sa pensée au sujet du libertarianisme dans un e-mail mystérieusement arrivé en ma possession : il s’agirait de branlettes de tapettes. Les tapettes ont en effet mauvaise presse chez Godefridi et ses camarades, surtout quand elles sont libertariennes. Quant à savoir ce qu'il convient de penser des branlettes, aux dernières nouvelles, Godefridi se tâte encore.

Mais revenons-en à l’article. Godefridi reproche aux libertariens cinq carences majeures, et, du moins on peut le supposer, rédhibitoires, ce qui le dispense d’examiner ou même simplement d’évoquer les innombrables carences mineures du projet libertarien que laisse supposer sa formulation. Une fois de plus, ce qui n’est pas dit est plus significatif que ce qui l’est : nulle part dans le texte, il n’est question de l’opposition de principe du mainstream libertarien aux guerres étatiques.

La première carence relevée serait que les libertariens s’en remettraient au pouvoir créateur de la « main invisible » d’Adam Smith pour créer les institutions qui devraient maintenir les droits fondamentaux.

Remarquons tout d’abord que Godefridi, « co-directeur » de l’Institut Hayek, nommé d’après un grand penseur libéral, semble incapable d’imaginer que puissent exister des institutions autres qu’étatiques. Mieux, il scie la branche sur laquelle il est assis, puisque la théorie de l’apparition spontanée du droit, et donc des institutions qui doivent le garantir, est au cœur de l’argumentation de Hayek, et n'a, à ma connaissance, été reprise par aucun théoricien anarcho-capitaliste de quelque importance.

Godefridi tourne ensuite son regard brouillé mais néanmoins inquisiteur vers une deuxième carence majeure du projet libertarien : l’absence de normativités libérales. (Je profite de l’occasion pour interroger mes lecteurs au sujet du sens du terme « normativité ». Il me semble qu'il s'agit d'un synonyme pédantico-philosophique du mot « norme », mais je n'oserais l'affirmer. L’explication la plus pertinente sera publiée ici-même.)

Godefridi balaie d’un revers de main les conceptions jus-naturalistes de Rothbard et plusieurs siècles de réflexion juridique occidentale en signalant que le droit naturel – pourtant fondamental à la pensée libérale – serait du « wishful thinking ». Pourquoi, une fois de plus, mystère et boule de gomme.

Il s’attaque ensuite à l’utilitarisme friedmanien, coupable d'après lui de pouvoir donner naissance à différents systèmes juridiques qui ne seraient pas tous libéraux. Une fois encore, et même si je reconnais volontiers qu’on vit très bien sans comprendre Hayek (il suffit de se rendre au Forum Social Européen pour s’en apercevoir) je voudrais inviter Godefridi à lire les œuvres de l’auteur qui a donné son nom à l’institut qu’il (co-)dirige. Hayek considère en effet que les systèmes juridiques, apparus spontanément, seraient soumis à la concurrence et à un mécanisme de sélection auquel ne survivraient finalement que les meilleurs. En d’autres termes, cette pluralité est indispensable à la pensée hayékienne, or c’est précisément elle que Godefridi reproche à Friedman. Godefridi marque donc à nouveau dans son propre but.

Godefridi embranche ensuite avec son troisième grief, pompeusement dénommé la praticabilité juridique de l’Utopie libertarienne. Gravement, il nous informe que lorsque différents ordres juridiques existent (ce qui a été le cas tout au long de l’histoire de l’humanité et ne risque pas de changer de sitôt) se posent des problèmes de conflits de loi et de juridiction.

Comment Godefridi compte-t-il éviter ce problème ? Il ne nous le dit pas. Peut-être est-ce par manque d’imagination, mais hors l’état mondial, fantasme des totalitaires de tout poil, je ne vois pas trop.

De plus, comme il le relève très pertinemment, il existe une branche du droit qui règle ce type de conflits et qui se nomme droit international privé. S’il est vrai qu’il s’agit d’une matière raisonnablement complexe, il faut tout de même signaler qu’on l’enseigne sans trop de mal à des étudiants en droit âgés de vingt ans et que son degré de difficulté reste largement inférieur à celui, par exemple, de la théorie générale de la relativité ou encore de la physique des quanta.

Godefridi, qui s’est plaint précédemment de la propension (supposée) des libertariens à inventer des fables, sert ensuite à ses lecteurs un aimable conte au sujet d’une personne piégée dans un enfer libertarien. Le malheureux ne peut acheter de pain et est donc, du moins on l’imagine, condamné à mourir d’inanition. Les ordres juridiques différents dont dépendent vendeur et acheteur rendraient impossible la vente salvatrice. Je voudrais tout d’abord inviter Godefridi à quitter la Belgique, ce qu'il ne semble pas avoir fait jusqu'à présent. S’il s’y décide, il pourra observer qu’un pain s’achète partout à peu près de la même manière, ordres juridiques différents ou non. Mais ne soyons pas de trop mauvais compte, quid lorsque acheteur et vendeur se trouvent chacun dans leur pays, qu’ils concluent un contrat et que les biens en question sont autrement plus complexes ou précieux qu’une simple baguette ? Ils m’est venu aux oreilles que les êtres humains commercent sans trop de difficultés depuis la nuit des temps, même au-delà des frontières, et que récemment, ces échanges commerciaux, également connus sous le nom de « commerce international » ou encore « mondialisation néo-libérale » ne se portaient pas trop mal, merci pour eux. Les nombreux petits ordres juridiques qui se voulaient radicalement indépendants et qui refusaient la moindre concession, fût-elle rationnelle et d’élémentaire bon sens, conséquences nécessaires de ce sytème et que redoute tant Godefridi, comme par exemple l’Albanie de Enver Hoxha, ne se sont pas par ailleurs signalés par une longévité trop importante.

Ne craignant décidément rien tant que la cohérence, Godefridi s’effraie ensuite de la résurgence probable d’un état dans une société libertarienne. En effet, des agences de sécurité risqueraient d’accaparer le pouvoir et de constituer un état. Peste ! Décidément, il y en a qui ne sont jamais contents. On commence par reprocher aux libertariens leur refus de l’état, prétendument garant de tout ce qui est juste et bon, pour ensuite râler de voir réapparaître une institution présentée quelques paragraphes auparavant comme indispensable à la civilisation. Caramba, encore raté !

Suit une synthèse brillante du « rule of law » selon Hayek, seul passage de tout le texte qui soit à peu près potable, puisque pompé chez l’illustre autrichien. Dans son e-mail de félicitations à Godefridi, Henri Lepage notait d’ailleurs malicieusement que c’était le morceau à conserver.

Après ces doctes digressions hayékiennes, et, selon l’expression consacrée, « sans transition », Godefridi accuse les libertariens de préférer les injonctions arbitraires d’un Souverain bien intentionné aux règles d’un Prince totalitaire. L’accusation est de taille ! Seul problème, je ne connais pas de libertariens qui défendent pareil point de vue, puisque nous désirons, précisément, nous débarrasser de princes et souverains.

Qu’importe, cela n’empêche pas Godefridi d’embrayer avec superbe sur l’impossibilité de l’anomie dans les sociétés humaines, point de vue auquel souscrivent les libertariens et qui sous-tend précisément l’idée de droit naturel, que Godefridi avait cavalièrement congédiée aux poubelles de l’histoire quelques pages auparavant.

En conclusion de son exposé théorique, Godefridi pointe une fois de plus la menace que représenterait l’incommensurable complexité des ordres juridiques que ne manquerait de créer une société libertarienne. Le reproche, qui vaut également pour Hayek, ne peut s’adresser qu’aux anarcho-capitalistes utilitaristes, largement minoritaires, mais soit. Cette complexité nuirait à la certitude nécessaire à la « rule of law ». Je rétorquerai brièvement à Godefridi que le marché ne se débrouille pas trop mal en termes de standardisation. Donc, malgré ma qualité d’anarcho-capitaliste jus-naturaliste qui ne croit pas trop à l’éventualité d’une production exclusivement commerciale du droit, cette éventualité ne m’effraie pas.

Finalement, dans une apothéose quasi wagnérienne, Godefridi conclut sur les leçons de l’histoire propres, on l’avouera, à éveiller les appétits intellectuels que cette longue mise en bouche avait failli à rassasier.

Malheureusement, les fameuses leçons tiennent en trois maigres paragraphes, dans lesquels Godefridi confond l’état de nature et le droit naturel, et prétend qui plus est découvrir cet état de nature en Afrique, continent traumatisé, Godefridi dixit, par l’absence d’états. Bizarrement, à la suite de beaucoup de bons esprits libéraux, je voyais plutôt dans l’Afrique un exemple de la faillite des états et des déprédations qu'ils occasionnent.

Mais précisément, Godefridi n’est pas libéral. Godefridi poursuit, plus ou moins consciemment, une utopie vieille comme le monde, l'empire, en l’occurrence américain. Il tente pour ce faire d’investir une tradition philosophique prestigieuse en marginalisant ses tenants authentiques, à commencer par ceux qui défendent le principe de non-agression, anti-impérialiste s'il en est, les libertariens. Il est temps de mettre le holà à ces pitoyables entreprises et de se distancer de ces charlatans.

PS du 24 novembre

La suite de l'échange entre Lepage et Godefridi est disponible ici.

J'ai par ailleurs oublié de relever le titre grandiose de la réponse (dans un anglais atroce) de Godefridi à HHH : "The Hayek Institute challenges Hans-Hermann Hoppe", rien que cela. Mondieumondieu. J'en ai encore les larmes aux yeux !
posted by melodius 21.11.03



{17.11.03}

 
kung-fu fa-cho

Zhang Yimou s’est fait connaître en Occident par des films humanistes comme « Epouses et Concubines » et « Les Lanternes Rouges ». Son dernier film, « Hero », une apologie du totalitarisme, est donc une très mauvaise surprise.

L’histoire se déroule à la fin de l’époque dite des « royaumes combattants » (vers 220 avant Jésus-Christ). Il s’ouvre sur la réception du héros du titre, un obscur fonctionnaire appelé « Sans Nom » (Jet Li) par le roi de Qin, tyran belliqueux fort occupé à réaliser l’unité de la Chine à son profit, notamment en menant une guerre sans merci au royaume de Zhao. Zhang Yimou ne laisse planer aucun doute sur les méthodes dont use le roi, puisque l’on voit un peu plus tard son armée assiéger et exterminer une ville peuplée de paisibles calligraphes.

Si le roi reçoit Sans Nom, c'est parce qu'il veut le récompenser d'avoir tué trois guerriers de Zhao qui projetaient son assassinat, Lame Brisée (Tony Cheung), Flocon de Neige (Maggie Leung) et Ciel étoilé (Donie Yen).

La conversation entre Sans Nom et le roi est rendue par une narration en flashbacks à la « Rashomon » et il apparait finalement que Sans Nom est en réalité un orphelin de guerre de Zhao qui est de mèche avec les tyrannicides. Toute la mise en scène avait pour seul but de lui permettre de s’approcher suffisamment du roi pour l’expédier ad patres. Les scènes de bataille et l’usage de la couleur révèlent que l’influence de Kurosawa ne se borne pas à la structure narrative du film, et c’est regrettable. Ce qui était sublime entre les mains du maître japonais prend des tournures barnumesques chez le Chinois. La palette, et notamment la couleur des costumes des personnages, change à chaque flashback (successivement rouge, verte et blanche). Seuls Sans Nom et le roi restent tous deux en noir tout au long du film. Mon Dieu comme tout cela est profond ! Et non, je n’expliquerai pas ce que signifie cette symbolique ripolinée vaguement taoïste appuyée par une esthétique lourdingue.

Arrivé à ce point, l’un ou l’autre lecteur doit se demander pourquoi je n’ai pas encore mentionné la sublimissime Zhang Ziyi (révélée dans « Tigre et Dragon »), pourtant présente à l’affiche. C’est que son rôle se borne à celui d’une aimable cruche, disciple de Tony Cheung et follement amoureuse de lui. Pas de chance, le cuistre passe une bonne partie du film à se mourir d’amour pour Maggie Leung (on meurt beaucoup dans ce film). Zhang Ziyi n’est d’ailleurs pas la seule à être totalement ridiculisée, puisque Zhang Yimou parvient même à faire de Tony Leung un personnage gnangnan et tête à claques. Vous avez bien lu, j’ai eu envie de flanquer des baffes à Tony Leung tout au long de la projection, lui qui est si fin pourtant dans « Chunking Express » et « In the Mood for Love » ! Maggie Leung, la troublante Maggie Leung de « In the Mood for Love », est insipide comme une bière Tsing Tao, bref, le casting est un désastre dont il n’y a somme toute que Jet Li qui se sorte à peu près sans anicroches.

Quant aux combats, n’est pas Tsui Hark ou même Ang Lee qui veut. ‘Nuff said.

Mais le pire du pire, c’est donc le « message » du film, révélé aux masses admiratives durant le dernier flashback (celui qui est tout en blanc, ouah, le symbole !) Sans Nom renonce en effet au tyrannicide - et se fait exécuter pour sa peine - convaincu qu’il a été par Lame Brisée que seul le roi de Qin peut unifier la Chine « sous un ciel » et amener la paix. Le vilain tyran est d’ailleurs en fait un chouette type, puisqu’il confirme, quasi la larme à l’œil, qu’il a enfin été compris (snif !) et qu’il massacre à qui mieux mieux pour que les pauvres gens puissent enfin vivre tranquilles sous sa férule bienveillante. Il semble même regretter l’exécution (pour l’exemple, seulement pour l'exemple) de Sans Nom, c’est dire qu’il n’est pas un mauvais cheval ! Seule Flocon de Neige sauve un tantinet l’honneur, puisqu’elle tue Lame Brisée en digne récompense de sa trahison. Malheureusement, elle se suicide ensuite sur son corps plutôt que de le jeter en pâture aux chiens (il semblerait qu’elle l’aimait, et merde !)

Tout cela se termine par la réjouissante communication que le roi de Qin a donc finalement conquis tout le pays et bouté le Mongol hors de Chine en construisant la Grande Muraille, ce qui en fait le premier des empereurs.

Nul doute que ce chef-d’œuvre néo-confucéen a du bien plaire au Politburo pékinois et que Zhang Yimou, ayant viré sa cuti contestataire, pourra désormais travailler en paix dans la mère patrie. Personnellement, si je reconnais une grande qualité à ce film, c’est d’avoir fait la démonstration que le politiquement correct n’est pas encore tout à fait passé dans les moeurs, puisqu’il est possible de voir en 2003 à Bruxelles un film profondément et authentiquement fasciste célébrant, dans le désordre, le pouvoir absolu du chef, la guerre comme moteur de la civilisation et les héros tragiques qui se sacrifient à ce noble idéal, sans que personne n’y trouve à redire. Il y a même des pubs pour « Hero » sur les trams, faut-il que nous vivions une époque tolérante ! A moins, bien entendu, que le bon peuple soit devenu trop con pour comprendre. Peut-être une des répliques de l’empereur aurait-elle du être « quand j’entends le mot calligraphie, je dégaine mon sabre » pour que quelqu’un capte le message. Tiens, un lecteur pourrait-il me faire parvenir des critiques contemporaines de « Triumph des Willens ? »


PS : je signale déjà aux grincheux qui ne manqueront de se manifester que je ne plaide évidemment pas pour la censure.
posted by melodius 17.11.03



{5.11.03}

 
gadsden flag industriel

Chipé chez l'ami eskoh


posted by melodius 5.11.03



{30.10.03}

 
la corruption égalitariste du droit


D'ordinaire, le Droit est perçu et décrit comme une création politique, un objet de marchandage entre factions rivales. " Je vote cette loi avec toi, mais en échange tu votes celles que je propose aussi. " À cet égard, peu d'intellectuels (parmi lesquels les juristes) lui reconnaissent une nature objective ; ils ne s'en servent qu'en qualité d'instrument de puissance. Ainsi dénaturé, le Droit n'est plus que la très lointaine ombre de lui-même, une caricature grimaçante favorisant l'essor de conflits innombrables et en croissance constante. La guerre entre les individus à laquelle Hobbes prétendait mettre un terme par l'institution de la régie étatique est au contraire provoquée par l'intrusion de chacun dans la propriété de l'autre que permet le commandement législatif. En s'emparant de la loi, les hommes anéantissent le Droit.


Cette déclaration semblera peut-être péremptoire. En vérité, elle ne l'est point. La nature du Droit renvoie à l'existence humaine. En Droit naturel, ainsi que Frank Van Dun l'a noté, " le droit n'est pas conçu comme une règle, mais comme un fait, ou plutôt comme un ordre réel — les conditions du droit étant fixées par la nature des choses et en particulier par la nature de l'animal humain. " Chaque homme étant distinct et cependant en relation avec d'autres que lui-même, il ne peut dépasser certaines limites, au-delà desquelles la paix est rompue. Le Droit n'est pas le produit de la raison ; celle-ci le découvre comme l'ordonnancement des relations interhumaines en préservant la propriété de chacun sur soi-même et les fruits de son action. Selon l'expression consacrée par la tradition romaine, le Droit permet de " rendre à chacun le sien ". Autrement dit, en définissant qui détient quoi, il permet de rendre justice à chaque individu.


Dans ces conditions, et à l'encontre des théories en vigueur (parmi lesquelles la philosophie rawlsienne est la plus connue), le Droit ne saurait être qualifié d'égalitariste. Qu'est-ce à dire ? D'abord, il prend sa source dans la diversité humaine. Chaque individu poursuit des fins différentes, parce que chacun est un être à part. Il en découle que l'évolution de la propriété individuelle (son élargissement, sa dégradation, sa libre cession, etc.) est particulière à chacun de nous et ne peut résulter d'une égalité des chances ni s'accomplir en elle. Celle-ci est en effet impossible, c'est-à-dire incompatible avec la nature humaine. Preuve en est que, pour y parvenir, seule une opération tyrannique est envisageable. Ce but est d'ailleurs celui que se sont fixé les sociaux-démocrates de gauche et de droite : supprimer ou, en tout cas, faire reculer les inégalités. Mais, ce faisant, ils dérèglent gravement les relations interindividuelles ; en particulier par le recours massif à des politiques de transfert. C'est ce qu'ils nomment la " justice sociale ", comme si l'inégalité des individus était comparable à une injustice. Le consensus régnant autour de ce concept en dit long sur les intentions des hommes de l'État. Selon leur appartenance idéologique, ils favoriseront telle ou telle catégorie d'électeurs et de soutiens, mais jamais ils n'entreprendront de revenir à une conception objective de la justice — sans adjectif.


La " justice sociale " n'est que le masque couvrant la recherche de rentes et la satisfaction rapide de besoins aux dépens de tierces personnes - conforme à la vision hobbésienne de l’homme. Nous pouvons même la considérer comme l'aboutissement prévisible de la pollution politique de l'idée de Droit. Il est à noter qu'à notre époque de transferts généralisés, de moins en moins de biens appartiennent légitimement à leurs détenteurs, chacun devenant peu ou prou expropriateur d'un tiers qu'il ne connaît pas - en raison de l’emprise ininterrompue des moyens politiques au détriment des moyens économiques. Exproprié et expropriateur peuvent donc se loger dans la même personne. Ce fait serait inimaginable sans une organisation susceptible d'imposer silence aux récalcitrants et de diffuser une propagande ininterrompue vantant les présumés mérites d'une telle situation : l'État, agent et bénéficiaire de la corruption juridique.


Comme l'a judicieusement noté Pierre Lemieux, l'État-Providence est dangereux non parce qu'il aide les pauvres — ce que, du reste, il fait peu et mal —, mais parce qu'il repose sur la coercition " avant de conclure : " le problème n'est pas la Providence, mais l'État ". L'assistance aux pauvres n'est pas condamnable, pour autant qu'elle émane d'un acte volontaire ; c'est l'instrument usurpateur de l'État qui est immoral, en envoyant ses matons chez ceux qui ne respectent pas ses injonctions solidaristes. Ayant décrété un beau matin que la charité privée était insuffisante, impossible, voire nuisible (!), les gouvernants se sont une fois de plus arrogé un monopole. A qui le crime profite-t-il ? Je l'ai dit, pas aux nécessiteux. En réalité, la distribution autoritaire des ressources sert de prétexte à la mainmise des gouvernants sur la vie de chacun d'entre nous.


Plus essentiellement, à travers cette subversion de la charité, les statocrates prétendent contrôler le langage moral. Ils s'érigent en arbitres des relations sociales. C'est ainsi qu'on les entend quotidiennement exiger " plus de solidarité ", " moins d'égoïsme ". Outre que leurs leçons de morale ressemblent à celle d'un cannibale appelant ses hôtes à devenir végétariens, l'escroquerie éthique est complétée par le fait que, de toute façon, aucun choix n'est laissé aux individus. Car les injonctions mentionnées ci-dessus sont moins des ordres ou des conseils que des alibis de la rapine étatique. Lorsque vous recommandez à un proche d'agir en tel ou tel sens, vous lui laissez au moins la possibilité de ne pas se conformer à vos recommandations, l'État non.


Dans un langage de raison, une action est dite juste quand elle est accomplie sans léser et agresser quiconque. Un chauffeur de taxi qui décide de travailler à son propre compte en offrant un service à un prix moindre que ses concurrents ne porte aucunement atteinte aux droits de ces derniers et, a fortiori, de ses clients. En revanche, s'il décide de saboter les voitures des compagnies rivales, il commet bien évidemment un acte répréhensible. De même, si des directeurs de compagnies de taxis s'entendent entre eux pour baisser leurs tarifs, nul ne peut le leur reprocher sans mauvaise foi. Mais s'ils agissent de concert pour intimider et menacer leur rival, parce qu'il a, par exemple, attiré certains de leurs anciens clients, ils sont coupables d'agression et commettent donc un acte offensif, donc injuste.


Justice n'est donc pas équivalente à égalité ; elle évalue objectivement les actions des hommes, non leur situation économique, familiale ou sanitaire. Que mes cheveux soient châtains et ceux de mon voisin blonds ne peut être décrit ni déploré comme une situation injuste : peu importe que sa couleur capillaire soit naturelle ou artificielle, elle ne diminue en rien la propriété dont je jouis. L'idée de " justice sociale " induit la conception fumeuse que ce que j'ai, un autre l'a perdu - de sorte que, selon une logique établie de longue date, le Pouvoir doit rétablir un état présumé antérieur, dans lequel mon voisin et moi vivions sur un pied d'égalité. Or l'égalité est un mythe, invalidé tant par la logique que par l'expérience. Si nous étions par naissance égaux, pourquoi communiquerions-nous, pourquoi échangerions-nous des informations (sans lesquelles l'économie n'existerait pas) ? Si nous étions tous pareils, l'idée même de sujet humain n'aurait pas de sens, et donc la notion de préférence individuelle - au cœur de la réflexion libérale... et de l'action humaine.


Preuve que le libéralisme est la seule philosophie à s'accorder avec la nature humaine et les besoins individuels.


Omer Vidolis
posted by melodius 30.10.03



{28.10.03}

 
les keynésiens du centre-droit


Aux libéraux pragmatiques de France et de Belgique...


Le débat initié par des parlementaires « libéraux » en faveur d'un « plan Marshall pour le sport » démontre à ceux qui en douteraient encore qu'il s'agit de francs keynésiens - de droite ou du centre-droit, c'est possible, mais la belle affaire !

Comment s'en étonner quand on connaît les partis libéraux belges ? Dernièrement, Bart Somers - le Stevaert version schtroumpf obèse - a déclaré : « la différence entre la gauche et nous, c'est qu'eux veulent plus de théâtres et nous plus de salles de sports. » La couleur des leviers dirigistes change, pas la fréquence de leur emploi.

Passons aux francophones (pour lesquels les alter-cultureux brechtiens sont des clients politiques au même titre que les supporters de football), je tire la citation suivante du programme électoral 2003 du Mouvement Réformateur (abrégé en MR) :

Aujourd'hui, le rôle des institutions publiques est de donner à chacun la capacité de s'accomplir librement avec bonheur, sérénité et perspective. Chacun est en droit d'obtenir de cette nouvelle puissance publique qu'elle lui garantisse sa liberté d'initiative et assume en conséquence, avec détermination, son rôle régulateur pour :
- la démocratie et le gouvernement du bien public ;
- l'économie et la gestion des ressources financières ;
- la protection sociale et la garantie de la sécurité d'existence ;
- la culture et l'acquisition des connaissances ;
- la famille et le bien de l'enfance ;
- le travail et la créativité entrepreneuriale ;
- l'environnement et la sauvegarde du milieu ;
- la science et les modifications génétiques ;
- l'Europe, la mondialisation et l'évolution géopolitique mondiale.


Je passerai sur l'incongruité de certaines phrases (que signifie « s'accomplir avec perspective » ?), le pire ne réside pas dans ce salmigondis prudhommesque digne de quelque bonze fumeux. Attachons-nous plutôt à la longue énumération. Non, détrompez-vous bonnes gens, il ne s'agit pas des domaines d'où l'État sera chassé, mais bien de ceux dans lesquels il doit intervenir, pardon : qu'il doit « réguler » (traduire par : réglementer). Quelle différence avec un programme totalitaire ? Ce que nous proposent les politiciens réformateurs, qui osent d'ailleurs à peine s'appeler « libéraux », n'est rien d'autre qu'un marché de dupes. « Nous vous concédons un peu de liberté, clament-ils, mais attention, l'État vous surveillera pour votre bien et assurera de la sorte la justice sociale (avec l'argent que nous vous aurons confisqué). » Un exemple entre mille, le ministre des Finances voudrait rester dans l'Histoire comme l'homme de la Réforme fiscale (présentée comme un cadeau, mais alors elle l’est à la façon du mafieux qui retire momentanément son flingue de votre tempe pour le recharger). L'excellence suffisante demeurera surtout comme celui qui a permis de renforcer le contrôle eurocratique des comptes bancaires et la calamiteuse harmonisation fiscale. Dans sa grande mansuétude, il a aussi permis aux épargnants qui ont eu l' «indélicatesse » de placer leur argent à l'étranger de le rapatrier... moyennant amende ! Des syndicalistes du ministère des Finances y sont évidemment allés de leur couplet sur l'ultralibéralisme de l'excellence, déplorant que l'Etat accorde une prime aux mauvais-Belges-obsédés-par-le-profit-et-rongés-par-l'égoïsme. Outre qu'il faut beaucoup de toupet pour oser appeler « prime » la confiscation d'une partie de vos biens, il est particulièrement révélateur de la moralité de cette confrérie du larcin autorisé que des brigands jouent aux preux chevaliers blancs.

Par ailleurs, avec la menace du « contrat d'adhésion citoyenne », un cran de plus dans la supercherie et l'hypocrisie est entamé. On n'est en effet pas très loin des référendums truqués, de règle à Cuba ou au Zimbabwe. Là aussi, l'Etat est promu au rang orwellien de citoyen suprême. Je n'invente rien, la priorité électorale du MR se formule ainsi : « instaurer un État citoyen et neutre ». Étant donné que la fonction de citoyen a pour seule raison d'être de voter contre les intérêts individuels, reconnaissons aux hommes de l'État pseudo-libéraux une grande franchise dans la première partie de leur projet. En revanche, la neutralité contredit directement le critère de la citoyenneté, tout sauf impartial.

Comment pourrions-nous avoir des craintes sur la sincérité libérale de nos hommes de l'État adipeux ? Enfin, voyons ! Les auteurs du Manifeste des Réformateurs ne lésinent pas sur les arguments percutants pour nous convaincre de leur audace libérale. Nous apprenons d'abord que le libéralisme a été partie prenante de chacune des grandes réformes requises par le développement de la société : la démocratie parlementaire, le suffrage universel, l'enseignement obligatoire, la sécurité sociale, l'égalité entre hommes et femmes... Sa force vitale est le respect de la liberté de l'être humain. Liberté qui est toujours au cœur du libéralisme authentique, celui qui tend à concilier démocratie, initiative, justice sociale et éthique politique. L'État préventif, égalitariste et spoliateur serait donc conforme aux vœux des penseurs libéraux... Ce contresens résulte d'un fait patent : comme l’ami Aristophane aime à la souligner, la réflexion est devenue une activité honteuse dans les rangs du MR, où chacun se doit d'affirmer un pragmatisme propice à toutes les compromissions et toutes les sinécures.

De plus, dans l'introduction du programme, le capitalisme est dénoncé comme un danger pour la démocratie libérale et l'économie de marché (distinguée avantageusement du capitalisme, comme le font tous les sociaux-démocrates !). En ce qui concerne la démocratie dite libérale, qui veut dire depuis longtemps « dictature étatiste », un vrai libéral devrait se réjouir du pouvoir prêté, à tort ou à raison, au marché capitaliste de renverser les structures obèses et sclérosées du pouvoir politique. Las ! Il y a quelques années, le chef également obèse et sclérosé des Réformistes, Louis Michel, avait pu déclarer, avec son aplomb coutumier, que la spéculation boursière n'avait rien de libéral. De même, Chirac n'avait-il pas dénoncé cette même spéculation comme « le sida de l'économie » ? La pique aimable du président français ne conviendrait-elle pas à merveille pour décrire fidèlement l'État national ou mondial en actuelle construction ? Coïncidence étrange, ces deux personnalités n'ont que la gouvernance mondiale aux lèvres. Fascinés par leur idole corrézienne, les pontes du MR, dont l'ex-président — Daniel Ducarme — prétend ne pas accepter l'intégrisme écologiste, nous assènent la fadaise suivante : le concept de développement durable appartient au patrimoine commun de l'humanité. Pourquoi parler d'un « patrimoine commun » ? En effet, cette locution signifie lourdement qu'il existe des biens qui doivent appartenir à une collectivité locale, nationale, voire mondiale. Ce qui est naturellement impossible et injuste : un patrimoine ressortit à un individu précis (ou à une association volontaire d'individus), mais n'est assurément pas l'attribut d'un groupe politique. Le pseudo-patrimoine de l'humanité ne correspondant pas à la réalité, il n'est qu'un concept erroné, un flatus voci. Mais, rien à faire, pour témoigner de son collectivisme solidaire et citoyen, un certain secrétaire d'Etat bruxellois est allé récemment jusqu'à signer une tribune avec le super-gauchiste Ricardo Petrella, chantre de la flotte collectivistée !

Placer par exemple les ressources naturelles (eaux, forêts, sous-sol, air, etc.) dans les mains de fonctionnaires, par vocation irresponsables, il n'y a pas de méthode plus certaine pour les gaspiller, les appauvrir et créer ou aggraver la pollution. Évoquer la médecine en se réfugiant dans un ni-ni paresseux, ni étatisation (plus la peine, Dédé ! elle s'est produite il y a cinquante ans) ni privatisation (ce n'est pas pour demain, on est en Belgique tout de même), c'est montrer le peu de cas que l'on fait de la responsabilité individuelle et surtout de la santé de ses semblables. Les inconditionnels du MR me répondront en s'inspirant d'une des plus hautes pensées tirées du petit livre bleu du président M... ichel : « Eh bien quoi ! Nous ne vivons plus au XIXe siècle ! Nous allons changer les choses, parce que nous avons changé nous-mêmes. Voulez-vous de ce dogmatisme laissez-fairiste ringard auquel les socialistes continuent de nous identifier ? » OUI ! mais les ringards, ce sont les charlatans qui nous font croire que le capitalisme est nocif. « Comment ! Vous rendez-vous compte qu'avec de tels propos, nous sommes condamnés à être isolés politiquement ? Vous voulez que nous les laissions gouverner tout seuls ? » NON ! Je ne veux (et suis-je vraiment le seul ?) être gouverné par personne d'autre que moi-même — qu'il fût rouge, bleu, vert ou orange rayé noir à pois carmins.

Chacun l'aura compris, le rejet du capitalisme est notamment motivé par la crainte d'être excommunié et, de ce fait, exclu du pouvoir. Plutôt que de défendre le libre-échange, le droit de propriété, la liberté de choix intégrale, mieux vaut, estiment les parlementaires dits libéraux, vomir sur l'éthique capitaliste et accroître ses chances de participation gouvernementale. J'ajoute que, non, les « libéraux » (belges, mais on pourrait en dire autant de leurs homologues britanniques, canadiens ou français) n'ont pas changé ; ils sont systématiquement prêts à sacrifier la liberté sur l'autel de l'État pour obtenir un strapontin. Les pontes du MR servent une marmite réchauffée : le classique renvoi dos à dos que leurs prédécesseurs avaient déjà cuisiné dans les années soixante. J'ai ainsi retrouvé une citation tirée d'un manifeste antédiluvien du PLP (Parti de la Liberté et du Progrès) stigmatisant le communisme, ce qui est le minimum, mais également le capitalisme, « qui apporta à l'homme la liberté, mais dans l'injustice sociale ». Je ne sais si nous vivons encore au XIXe siècle, du moins certains slogans et autres déclarations viriles donnent à penser que le XXe siècle étatique n'est malheureusement pas encore complètement derrière nous.

La mèche est définitivement vendue quand le président du Mouvement déclare avec sa légendaire assurance tribunicienne : Pour l'idéologie réformatrice, la citoyenneté est l'affirmation de la primauté du politique sur les seuls rapports économiques et sociaux. Je n'aurai pas la cruauté de citer le nom des philosophes et dirigeants politiques qui ont ainsi vanté la supériorité de la collectivité coercitive sur l'individu, on me traiterait de vil diffamateur. Ne croirait-on pas, cependant, lire quelque antique brochure marxiste quand nous tombe sous les yeux ce condensé de méchante philosophie de l'histoire : Au cours des siècles précédents, l'organisation de nos sociétés a instrumentalisé l'être humain en le plaçant avant tout dans un processus de production économique et de dépendance sociale. Visiblement, le brave et sonore dignitaire n'a pas lu les bons auteurs libéraux, sinon il aurait appris que c'est par les organisations politiques et étatiques que l'individu a été opprimé, et non par le marché qui, en se développant, l'a progressivement libéré de ses servitudes tribales. Mais je crains d’être par trop injuste. Oui, il existe bien une dépendance sociale, mais il s’agit de la servitude des individus exercée par les hommes de l’État !

De même, en les étudiant, l’ancien président du MR aurait découvert que l'homme ne souffre pas de trop de capitalisme, mais de trop de politique. Enfin, s'il avait lu les classiques de la liberté, il aurait appris que les penseurs libéraux ont toujours dénoncé la prééminence agressive du politique sur les rapports interindividuels volontaires. Mais, comme il ne s'intéresse qu'aux échéances électorales et au déplorable jeu des chaises musicales qui en découlent dans notre riant royaume, M. Ducame estime que la raison d'être de la citoyenneté est de forger une démocratie réelle, concrète, effective, refondée sur les valeurs qui évitent la dispersion des responsabilités et l'absence de repères sociétaux. Rien de pire en effet pour un étatiste que la liberté de choix réservée aux individus, ce que les marxistes dénigraient comme un droit formel et vide. Aujourd'hui les libéraux-démocrates-réformateurs labellisés Oxfam ou Greenpeace usent des mêmes ficelles rhétoriques pour stigmatiser les — évidemment — affreux et sanguinaires doctrinaires de la liberté. Ceux-ci seront conspués par les thuriféraires du « nouveau libéralisme » (navrante expression inventée il y a un siècle par les étatistes roublards), comme jadis Patrick McGoohan, le N° 6 dans la fameuse série Le Prisonnier, était jugé pour individualisme par les moutonniers habitants du Village.

Révélateur est cet aveu involontaire : L'éthique de la réforme que nous revendiquons doit réconcilier liberté et égalité, les fondre en un socle commun de références : celles d'un libéralisme politique et social, une idéologie de la citoyenneté libre, solidaire et responsable. Sacré John Rawls ! sa pensée aux vertus exclusivement soporifiques et laxatives ne cesse de faire des petits aux idées de plus en plus courtes. En fait, la supercherie est cousue de fil blanc : dès lors qu'au vocable « libéralisme » est ajoutée l'épithète « politique », il apparaît clairement que l'on n'a pas saisi la nature indivisible de cette philosophie. Il faut séparer la société et l'individu de l'État, non le libéralisme de lui-même. Ce serait un péché contre la logique... que commettent tous les hommes politiques, sans aucune exception. Ainsi agissent les Réformateurs, qui opposent liberté et capitalisme, pendant qu'ils unissent erronément responsabilité et solidarisme. C'est clair : ils veulent, à l'instar des autres partis ou mouvements, rapprocher société civile et pouvoir(s) politique(s) afin que celui-ci contrôle encore plus celle-là... De sorte que le libéralisme ducarmo-michélien se réduit à un concept affadi, le « libéralisme public », ou keynésianisme du centre mou - propre au ventre plein de ces songe-creux étatistes.

De toute façon, si le parti libéral de Belgique fut chronologiquement la première organisation parlementaire d'Europe continentale, il s'est rarement montré à la pointe du combat libéral. Ceci a sans doute été conditionné par cela. Justement à cause de sa caractéristique intrinsèquement politicienne, donc étatiste. De 1846 (année de sa fondation) à nos jours, la famille libérale a toujours oscillé entre le progressisme du type radical-socialisme (pensons à un Paul Janson, oncle du socialiste Spaak) et le centre-droit conservateur. De ce dernier courant, Walthère Frère-Orban fut un acteur fameux, mais qui suscite aujourd'hui encore pas mal de malentendus. Curieusement, les historiens du libéralisme belge le rangent d’ordinaire parmi les Doctrinaires du libéralisme. Lui qui, dans le cadre de ses fonctions ministérielles, réglementa les assurances, créa le Crédit communal en 1860 avant de fonder la Caisse générale d'épargne et de retraite cinq ans plus tard ! Lui que ses détracteurs du parti catholique avaient traité de communiste parce qu'il avait institué le Crédit foncier et qui se montra effectivement tel, puisque son dernier gouvernement nationalisa les compagnies du téléphone. Rien de bien exaltant en somme dans l'histoire politique du libéralisme belge.

En France aussi, certains s'imaginent qu'en applaudissant à la moindre foucade chiraquienne ou à la plus banale raffarinade, ils se comportent en libéraux. Ils agissent pareillement aux soutiens des néo-conservateurs. La droite n'est pas libérale ; elle demeure autant étatiste que la gauche. Seules les méthodes diffèrent, comme aiment à le rappeler ses partisans (fort honnêtement, au demeurant). L'actuelle entreprise de « normalisation » idéologique se confirme avec l'ancrage social-démocrate de la prétendue famille libérale francophone. Quand donc entendra-t-on la voix des vrais libéraux ?

Omer Vidolis
posted by melodius 28.10.03



{23.10.03}

 
puute van de koech !

Ik zen uuk branchei ! Veu niki goanekik maa uuk lanceire in nen tweitoeligen blog, mo ni Frans/Engels se, da is afgezoegd. Ik zenekik giene kikvors zenne tich !

Dames en Eire, ie edde dus den iesten blog Frans/Brussels Vloms. Da allemoel om ulle te loete weite datte Franse vertoelink veu "Don't tread on me" nog gedebatteid wed, mo dakik en goei em gevonden in 't Brussels Vloms gisterenoevend oep de staminei met de Konstantijn: "Puute van de koech !"

Ik stellekik den uuk veu oem der direk den devies van te moake veu den ludieken avant-gard' van de Brusselse libertariërs.

Allei, santei tich !



Moi aussi je suis branché ! Je me lance, l'espace d'un post, dans le blog bilingue, mais pas français/anglais hein, ça c'est banal. Je ne suis pas un batracien moi !

Voici donc, Mesdames et Messieurs, le premier blog français/bruxellois.

Tout ça pour dire que si la traduction française de "Don't tread on me" est toujours débattue, j'ai trouvé une bonne traduction bruxelloise hier soir au cafetar avec Constantin : "Puute van de koech !"

Je propose d'en faire de suite la devise de l'avant-garde ludique des libertariens bruxellois.

Allez, santé !

posted by melodius 23.10.03



{14.10.03}

 
liste des liens

Pour des raisons de lisibilité, j'ai décidé d'ôter tous les liens du "template" de mon blog et de les concentrer ici, ce qui me permet par ailleurs de les commenter brièvement.

J'en profite par ailleurs pour compléter la liste.

L’avant-garde ludique des libertariens bruxellois

L'Empire de Constantin [b]
Élégant comme Céladon, agile comme Scaramouche, je vous préviens, cher Mirmidon, qu'à la fin de l'envoi, je touche! ...

Aristophane Triboulet [b]
Faut-il encore présenter notre libertin préféré ?

Urgesat ! [fr]
Urgesat ! SF [fr]
Urgesat ! SF page 2 : de l'anti-utopie [fr]
Urgesat ! Larry Niven [fr]
Urgesat ! Education [fr]
Sylvain Gay, l’animateur de la galaxie Urgesat !, est Français, ce qui ne l’empêche pas d’être un membre estimé de l’avant-garde ludique des libertariens bruxellois.

Il manque à cette liste ceux qui n’ont pas encore de présence indépendante dans la blogosphère (Walter Rebuttand, Omer Vidolis et Cécile Philippe) et ceux dont j’espère qu’ils se joindront bientôt à nous (VeloDeus, Sabato, et d’autres encore !)

sites amis

Liberaux.org [fr]
Catallaxia [fr]
Les sites de Fabrice Ribet, infatigable et indispensable rassembleur libéral. Je profite de l’occasion pour le remercier bien sincèrement pour tout son travail. Ne pas rater les forums !

Institut Molinari [b]
Tapi dans l’antre de la bête, l’Institut Molinari, sous la houlette de la charmante Cécile Philippe, tente de libéraliser l’Europe.

La Page Libérale [fr]
Pas libertarienne, hélas ! Sous la direction de l’énergique Hervé Duray.

blogs amis

whOOps [fr]
Le site de Claire, malheureusement en sommeil. Mais elle sévit encore sur la PL et à l’Institut Molinari

Zek's blog [fr]
Exocet libéral. Polémiste hors pair et commentateur culturel inspiré que j’ai déjà eu l’honneur de recevoir ici. Accessoirement, mon adversaire préféré. Attention, il est d’une mauvaise foi crasse dès qu’il s’agit de moi !

Lep's corner [fr]
Liberté [fr]
Blogorrhée [fr]
Ase's corner[b]
Quatre sites libéraux de très haute tenue. On regrettera le ralentissement du débit du Blogographe et de Lep…

Eskoh [fr]
Vipère Lubrique [fr]
Les techno-papes libéraux.

The Free Goat [ch]
Mobius In Flight [fr]
Jeunes et libéraux.

Sites libertariens

LewRockwell.com [us]
Ludwig von Mises Institute [us]
Antiwar.com [us]
Strike The Root [us]
le Québécois Libre [qc]
Sites libertariens généralistes animés par des équipes importantes. Le Québécois Libre possède les intéressantes particularités d’être rédigé principalement en français et de ne pas se livrer à l’apologie du bellicisme messianique. On ne peut malheureusement en dire autant de beaucoup de sites, home pages et blogs libéraux francophones.

Home pages libertariennes

Home page de David Friedman [us]
Plutôt bordélique, mais David Friedman est un des tous grands messieurs du libertarianisme.

Home Page de Bryan Caplan [us]
Une mine d’informations, de l’anarchisme à (l’anti-)communisme.

Liberalia [ch]
Pierre Lemieux [qc]
Bertrand Lemennicier [fr]
Remarquables sites libertariens francophones. Liberalia est la cyber-émanation de l’excellent Christian Michel.

Hervé de Quengo [fr]
Indispensable ressource de textes libertariens en français.

Faré, le site [fr]
Home page de Marc Grunert [fr]
Parfois contestables mais toujours stimulants.

autres blogs libéraux et libertariens

LewRockwell.com Blog [us]
Mises Economics Blog [us]
Antiwar Blog [us]
Faut-il réellement préciser ?

Le blog de Johan Norberg [no]
Une star libérale !

quo vadis [it]
Sympathique blog libertarien transalpin, à forte fibre régionaliste.

Faré, le blog [fr]
Contrepoison [fr]
Intellectuels libéraux de haut vol.

Le Blog d’Adhémar [b]
Malheureusement en sommeil.

Un Swissroll [ch]
Libéral ou pas ? Intéressant en tout cas !

Et pour finir quelques blogs de gauche, histoire de faire semblant d’avoir l’esprit ouvert…

Navire.net [fr]
Une rondelle de saucisson et l’addition [fr]
404 Brain not Found [fr]


addendum du 29 octobre 2003

Le champ libre [fr]
Excellent site découvert grâce à Liberté [fr].
posted by melodius 14.10.03



{10.10.03}

 
l'inexorable déclin de l'enseignement des mathématiques en France

Mon naturel feignasse est désormais légendaire, mais grâce à Dieu, j'ai des amis brillants qui me permettent d'alimenter ce blog.

Je cède donc la plume, ou plutôt le clavier, à VeloDeus.




Jeune agrégé de mathématiques, j'ai cette année la joie d'enseigner ma matière dans une classe de Mathématiques Supérieures. J'ai pu immédiatement constater que, si la vieille rengaine sur le thème "les jeunes générations sont décidément moins [blip] que la nôtre (remplacer [blip] par, au choix, "intelligentes", "cultivées, "bien éduquées", etc...) est généralement dénuée de toute possibilité de comparaison objective, la proposition selon laquelle le niveau mathématiques des élèves dans l'enseignement supérieur est en chute libre depuis vingt ans est parfaitement juste.

Une vérification empirique fut organisée en juin dernier, avec des résultats spectaculaires. Je fais bien entendu allusion au sujet du baccalauréat scientifique, qui a fait couler beaucoup d'encre ... dans les journaux, mais hélas pas sur les copies des élèves pendant la dite épreuve. Le sujet du scandale n'était ni plus ni moins qu'un sujet qui aurait été jugé parfaitement adapté il y a vingt ans, et n'aurait pas été accompagné de la moindre protestation.

Une rapide comparaison fait apparaître que le programme actuel de Sup correspond pour une moitié à ce que les élèves d'il y a 20 ans abordaient en classe de Terminale, tandis que l'autre moitié recouvre une partie du programme de Sup d'alors. En admettant que le niveau des élèves est à peu près "proportionnel" à celui des programmes abordés, ceci fournit une indication assez frappante sur le délitement du niveau des élèves en quelques années.

Dans un registre plus subjectif, on pourra également prendre en compte les impressions des examinateurs de l'agrégation de Mathématiques, qui constatent d'une année sur l'autre une constance dans l'excellence des élèves formant le haut du panier (essentiellement ceux qui ont eu la chance d'avoir assez tôt dans leur scolarité des professeurs qui les poussaient et n'hésitaient pas aller s'aventurer hors du programme obligatoire - professeurs de grands lycées qui n'ont rien à craindre d'une Inspection, en général), et une chute radicale du niveau des mal classés, au point de refuser de pourvoir les dix dernières places de l'agrégation de maths, jugeant les candidats trop faibles.

La baisse constante du niveau des élèves depuis vingt ans paraissant donc indiscutable, trois questions méritent d'être posées :

1. Au fait, les maths, à quoi bon ?
2. Comment en est-on arrivé là ?
3. Comment inverser la tendance ?

Dans ce premier article, j'essaierai de donner quelques arguments en faveur d'un renforcement du contenu de l'enseignement de mathématiques, puis dans des articles suivants, j'avancerai les causes probables de la situation actuelle, et donnerai enfin quelques pistes pour redresser la situation.



Un récent ministre de l'Eructation Nationale déclarait voilà quelque temps déjà que les mathématiques étaient dépassées, et qu'avec les machines actuelles, il n'était plus utile que les élèves apprennent à calculer par eux-mêmes. Le type de reflexion de café du commerce qui a le malheur d'être ancrée dans pas mal de têtes. Le sinistre oubliait trop vite que les mathématiques ne se limitent pas à un savoir faire technique et à l'utilisation d'un catalogue de formules - on peut constater d'ailleurs que l'on est tombé à un point où on ne demande plus aux élèves de lycée d'en apprendre une seule, puisqu'"un formulaire leur sera fourni le jour du bac". Si le pachyderme malfaisant avait fait oeuvre de salubrité publique en réfléchissant avant de parler, il aurait pu constater que l'écrasante majorité des élèves issus d'une classe préparatoire scientifique n'utilisera dans son métier futur qu'une quantité infime des des concepts et connaissances mathématiques acquises au cours de leurs années de prépa. Cette constatation faite, si les écoles d'ingénieurs continuent obstinément de recruter leurs élèves via des épreuves de mathématiques, on doit bien supposer qu'elles ne sont pas victimes de je ne sais quel lobby des mathématiciens impérialistes, mais qu'elles agissent de la sorte pour une bonne raison.

On avance souvent que les Mathématiques offrent un moyen de sélection peu coûteux et assez robuste, étant sous-entendu que le contenu des programmes abordés importerait peu pour les écoles qui recrutent, tant qu'elles ont là un moyen de sélection. Si c'était vraiment le cas, on voit mal pourquoi les GE perdraient leur temps à concocter des sujets de Maths et ne les remplaceraient pas directement par des tests de QI. Alors oui les maths sont un (bon) instrument de sélection, mais ne voir en elles que cela est parfaitement réducteur.

A,mon sens, il y a essentiellement deux raisons pour que les écoles conservent des épreuves de Mathématiques à leurs concours, et, par extension, pour continuer à enseigner cette discipline à des étudiants qui ne se destinent pas à la recherche. La première est que les Maths sont une boîte à outils indispensable pour pouvoir espérer faire quoi que ce soit dans un domaine scientifique "dur" (ce qu'un géologue ventripotent obnubilé par sa discipline - au point de modifier les répartitions horaires dans le secondaire pour le favoriser - est bien incapable de percevoir).

La seconde est que les mathématiques du supérieur (et dans une moindre mesure le peu de géométrie qui reste dans les collèges et les lycées) permettent de développer des capacités indispensables pour des futurs cadres et ingénieurs : apprentissage de la rigueur du raisonnement (remarquez au passage la connotation de plus en plus péjorative que prend le mot "rigueur" au fil des ans), manipulation de concepts abstraits, vision dans l'espace, utilisation d'un vocabulaire précis. Toutes choses qui font hélas défaut à la plupart des jeunes gens qui décrochent le baccalauréat de nos jours.

D'un point de vue politique, une vision pessimiste serait de considérer que la rigueur intellectuelle et la maitrise du raisonnement sont relativement inutiles dans la société actuelle, où le vide conceptuel du discours politique ne semble plus choquer grand monde. Il vaudrait donc mieux apprendre aux jeunes à "communiquer", c'est à dire essentiellement à émettre du n'importe quoi bien emballé, plutôt qu'une pensée construite. Dans la démocratie spoliatrice-redistributrice, il est effectivement crucial d'être passé maître dans l'art de la revendication pour bénéficier des largesses de la Mère Etat : celui qui a la plus grande gueule ramasse le pactole, comme l'a bien fait remarquer Hoppe dans sa destruction du concept-bidon d'égalité des chances.

Etant plutôt optimiste de nature, je pense qu'il est au contraire urgent de former l'esprit des nouvelles générations afin qu'elles puissent disposer des armes intellectuelles pour s'attaquer de front à la caste stato-socialiste qui gère les démocraties occidentales. Les mathématiques, comme d'ailleurs l'économie, me paraissent un outil de choix dans cette formation. La rigueur mathématique, la précision des outils et du vocabulaire employés sont indispensables pour donner aux jeunes gens une partie des structures mentales qui leur permettront de penser par eux-mêmes, et sont également un précieux antidote au relativisme ambiant.

C'est en lisant la prose de la cohorte de crétins pathologiques qui fréquentent un site comme celui d'Indymédia qu'on peut prendre la mesure de l'avancement du processus de déstructuration mentale (pour employer une expression du Professeur Lemmenicier) à l'oeuvre depuis des décennies en Occident, et qu'on peut comprendre l'urgente nécessité de renforcer l'enseignement mathématique, plutôt que de laisser s'affaiblir.

Enfin, s'il l'on se borne à ne considérer que l'utilité de l'instruction reçue dans la vie professionnelle future des étudiants, on constate empiriquement que ceux qui ont eu par le passé une formation mathématique solide sont statistiquement ceux qui réussissent le mieux dans le monde de l'entreprise, quand bien même le seuls outil mathématique dont ils ont jamais besoin est l'inusable règle de trois. Dans son ouvrage provocateur intitulé "Does Education Matter ?" (Ed: Penguin Education), la pédagogue britannique Alison Wolfe cite une étude faisant apparaître qu'à niveau d'étude équivalent et à emploi équivalent, les individus ayant passé le A level de mathématiques gagnent en moyenne 10% de plus par an que ceux n'ayant pas passé celui-là.

Citons donc Wolfe pour finir : "Of course, we can't be sure that people are actually more productive because of their math skills. But, because we are looking at the effects of a qualification which most employers and colleagues won't even know that the individual possesses, it does seem very likely that this is the case".


Dans le prochain article, je donnerai quelques unes des raisons qui peuvent expliquer le déclin de l'enseignement des mathématiques en France. Mais en attendant, je retourne corriger la montagne de conneries que mes élèves m'ont rendu en guise de devoir surveillé.

VeloDeus
posted by melodius 10.10.03


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